Volodymir Zelensky sait ce qu’il veut, et il ne craint pas de le dire haut et fort. Hier à Chisinau, devant les dirigeants de 47 États européens, le président ukrainien a demandé qu’on lui ouvre les portes de l’OTAN, et qu’on le fasse dès 2023. « C’est l’année de la décision », a-t-il ajouté devant un impressionnant parterre de chefs d’état et de gouvernement réunis tout près de son pays en guerre. Mais les poids lourds de l’organisation sont réticents. Ils explorent la piste de garanties de sécurité accordées à l’Ukraine avant son adhésion.
Zelensky
Les pays membres du G7 ont fait preuve d’ouverture en voulant associer des grandes démocraties du « Sud global », mais ils ont voulu le faire à leurs conditions et à celle du président ukrainien, sans tenir compte des sensibilités de ces États. Les Occidentaux ont montré qu’ils prennent conscience de cette division avec les pays du « Sud global », mais s’ils continuent à penser qu’il suffit de quelques consultations pour que les pays du Sud se rallient à leurs positions, ils se trompent d’époque.
C’est une affaire de jours, ou plus probablement de semaines, mais en Ukraine l’heure de vérité approche. Le printemps a séché les sols, les armes occidentales sont arrivées en Ukraine – même si le Président Zelensky en souhaite toujours plus – et leur maniement est maîtrisé (ou presque) par l’armée ukrainienne. Face à une Russie qui joue la montre, la contre-offensive de Kiev vise un triple objectif. Conforter le moral des Ukrainiens : rassurer ses alliés européens et américains en leur confirmant qu’ils ont parié sur « le bon cheval » en faisant le choix de défendre des valeurs communes : enfin et surtout démontrer aux élites russes la futilité absolue de la guerre et la fragilité d’une occupation qu’ils ne peuvent même pas maintenir en dépit du rapport des forces initiales sur le terrain.
Pour le moment, l’Ukraine ne parvient toujours pas à obtenir les missiles à longue portée et les avions de combat qu’elle demande. Les Occidentaux ne voudraient pas permettre à Kiev de frapper en profondeur sur le territoire russe, de peur, à la fois, d’être entraîné dans un conflit par alliés interposés, mais aussi face à la crainte du vide stratégique que laisserait un effondrement de la Russie ? Cela semble être la position américaine qui à la fois offre à l’Ukraine un soutien d’une ampleur inédite historiquement, mais semble toujours vouloir contrôler la situation, tout en déclarant que les Ukrainiens en sont maîtres.
Les pays occidentaux sont pour que les athlètes russes et biélorusses soient exclus des Jeux olympiques. Le CIO veut quant à lui permettre aux athlètes russes et biélorusses de participer, mais à titre individuel, sous bannière neutre et sans hymne en cas de victoire. Peut-être que cette possible exclusion passerait mieux si on l’avait appliquée aux autres pays qui se sont, dans la période récente, eux aussi lancés dans des conflits, ou si on établissait une règle générale, plutôt que de donner le sentiment qu’il n’y a que des cas particuliers.
Empêcher la Russie de « l’emporter », impliquera un engagement financier et militaire plus important que celui fourni jusqu’ici. Et de préparer, avec le reste des institutions, l’opinion à la gravité de la situation. Cela implique une industrie d’armement qui tourne à plein régime, des sanctions plus sévères encore, des sacrifices sur d’autres postes budgétaires, une société résiliente et solidaire.
Non revendiquées officiellement, deux attaques de sites militaires russes en Crimée, péninsule que la Russie a annexée unilatéralement en 2014, montrent que le pouvoir ukrainien refuse de se résigner à subir. Cette situation nouvelle pourrait contraindre l’agresseur à revoir son dispositif militaire.
Le plus grand conflit européen depuis la Seconde Guerre mondiale est devenu une lutte sans merci. La Russie pulvérise les villes ukrainiennes à coups de missiles et d’artillerie; l’Ukraine écrase les chars et les lignes de ravitaillement russes avec des armes plus petites et des drones. Il y a probablement des dizaines de milliers de morts dans les deux camps. Mais ça ne veut absolument pas dire que les combats sont près de s’arrêter. Bien au contraire, les décombres et les effusions de sang vont sans doute se multiplier au cours des jours et les semaines qui viennent.
Dans la même journée, le Président Zelensky a appelé les Américains à l’aide, et a évoqué des progrès aux négociations sur la possible neutralité de l’Ukraine. Pendant ce temps, la guerre continue de faire rage autour des villes ukrainiennes.