Lorsqu’elle a pris ses fonctions de présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen avait annoncé qu’elle présiderait une commission « géopolitique ». L’espoir était monté en flèche pour tous ceux qui aspirent à une Europe « puissance ». Ursula Von der Leyen a pris un leadership en Europe pour faire face à la guerre afin d’organiser l’aide européenne, y compris militaire, à l’Ukraine, outrepassant très nettement ses compétences. Elle a œuvré pour que l’Ukraine obtienne très rapidement le statut de pays candidat à l’Union européenne sans pour autant tenir compte des réalités économiques ou de gestion. Elle a également engagé un rapprochement très net entre l’Union européenne et l’OTAN.

La Cour pénale internationale a émis à juste titre un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine. Pourquoi l’absence de poursuites contre les auteurs de la guerre contre l’Irak ne choque-t-elle pas en Occident ? « Est-ce que l’impérialisme d’une démocratie et l’impérialisme d’une dictature se valent ? » La question éclaire les raisons pour lesquelles nos élites politiques et médiatiques ne s’offusquent nullement de l’impunité des Bush, Blair et autre Netanyahou.

Le mandat d’arrêt délivré par la Cour pénale internationale contre le président russe accroît son isolement et adresse à l’Ukraine un message de justice très attendu. Ce geste se voulait peut-être un geste de défi à la décision, annoncée la veille, de la Cour pénale internationale (CPI) de lancer un mandat d’arrêt contre lui pour crimes de guerre, en l’occurrence pour « déportation d’enfants ». Si c’était le cas, le geste manquait singulièrement de panache.

Au lendemain du mandat d’arrêt lancé par la Cour pénale internationale contre Vladimir Poutine, le numéro un chinois Xi Jinping arrive à Moscou pour une visite de trois jours. Un soutien politique, mais jusqu’où est-il prêt à aller concrètement ? Depuis que Xi Jinping et Vladimir Poutine ont décrété, il y a un peu plus d’un an, que l’amitié entre la Chine et la Russie était « sans limites », tout le monde se demande où sont effectivement les limites. On va avoir une occasion de l’évaluer avec la visite de trois jours qu’effectue, à partir d’aujourd’hui, le Président chinois en Russie.

Poutine dans son outrance, sinon sa paranoïa, est de facto le meilleur agent d’influence, le meilleur ciment de l’unité européenne et atlantique. Le continent européen ne se sentait menacé ni par Milosevic, ni par Saddam Hussein. Il en est tout autrement avec les rêves impériaux et le chantage au nucléaire du maître du Kremlin. Et plus l’on est géographiquement proche de la Russie, plus le sentiment de menace est grand.

Méconnaître les émotions ressenties par les pays du Sud, ignorer le rôle négatif joué par les souvenirs de la période coloniale, serait une erreur. Dans ce que l’on appelait hier le Tiers Monde, le passé reste omniprésent dans les consciences. Comment convaincre les pays du Sud Global que « nous sommes tous dans le même bateau », face au néo-impérialisme expansionniste et anachronique de la Russie ?

Et s’ils avaient raison ? Et si ce n’était pas que le besoin d’y croire qui faisait dire aux dirigeants ukrainiens que c’est dès cette année que leur pays l’emportera ? On ne sait pas. Le sort des armes est par définition tellement incertain que toute prophétie est hasardeuse mais le fait est qu’il y a désormais cinq motifs de penser qu’ils pourraient n’avoir pas tort.

La Chine a proposé vendredi 24 février 2023 un projet de règlement politique de la crise ukrainienne. Comme Moscou, Pékin évite d’employer le terme de guerre qui correspond pourtant à la réalité. La publication de ce plan montre que la Chine n’entend pas rester à l’écart du conflit et reconnaît son impact mondial. La Chine a adopté une attitude de neutralité bienveillante à l’égard de Moscou. Elle s’abstient sur les résolutions de l’ONU qui condamnent son agression. Lors de la récente visite du ministre des Affaires étrangères chinois à Moscou, celui-ci a rappelé que l’amitié entre les deux pays était solide « comme le roc ». Cela n’est cependant pas tout à fait certain.

Dans la sémantique russe, le pays voisin est désigné comme une bordure, mais jamais comme un État clairement séparé. La désignation de l’Ukraine est ambigüe selon le pronom utilisé : « Au temps des soviétiques, on utilisait l’expression  »Na Oukraïna », ce qui signifie littéralement  »sur la bordure ». La connotation est désormais péjorative », explique Carole Grimaud, chargée de cours à l’Université Paul Valéry (Montpellier), qui estime que la société russe, aujourd’hui, est certes divisée, mais surtout incapable de faire émerger des discours divergents sur le sujet de la guerre en Ukraine.

En réalité, le pacifisme ne fait consensus qu’en temps de paix (manifestations de 1983 sur les euromissiles) car paix et justice n’apparaissent pas comme contradictoires. En temps de guerre c’est l’inverse, le pacifisme creuse des divisions éthiques et politiques profondes à propos de la légitimité des moyens et des fins en politique. Après un an de guerre en Ukraine, cette question : veut-on la paix ou la justice ? Va se poser de plus en plus durement, de plus en plus amèrement aussi.

Parmi les nombreuses erreurs de calcul de Vladimir Poutine dans ce conflit, il y a l’évaluation des opinions publiques européennes. La hausse brutale des prix de l’énergie, dans les premières semaines de la guerre, a fait espérer au Kremlin -et à ses amis politiques-, l’émergence d’un mouvement populaire opposé au soutien à l’Ukraine. Ça ne s’est produit nulle part en Europe. Contrairement à ce que’il pouvait espérer, les opinions publiques européennes sont restées très favorables à l’Ukraine et au soutien de l’Union européenne. 65% des Européens approuvent même le financement par l’UE d’achats d’armes pour Kiev.