Moscou et Kiev s’accusent d’être responsables de la destruction partielle du barrage de Nova Kakhovka sur le Dniepr. Mais c’est clairement l’Ukraine qui subit les conséquences, d’abord humanitaires, mais aussi en devant revoir ses plans d’offensive militaire sur les lignes russes.

Lorsque les deux parties dans un conflit s’accusent mutuellement d’une action aussi importante que la destruction du barrage de Nova Kakhovka, il n’y a qu’un seul moyen pour tenter de comprendre ce qui se joue : c’est de savoir à qui profite le crime.

Volodymir Zelensky sait ce qu’il veut, et il ne craint pas de le dire haut et fort. Hier à Chisinau, devant les dirigeants de 47 États européens, le président ukrainien a demandé qu’on lui ouvre les portes de l’OTAN, et qu’on le fasse dès 2023. « C’est l’année de la décision », a-t-il ajouté devant un impressionnant parterre de chefs d’état et de gouvernement réunis tout près de son pays en guerre. Mais les poids lourds de l’organisation sont réticents. Ils explorent la piste de garanties de sécurité accordées à l’Ukraine avant son adhésion.

Les habitants de Kiev en ont l’habitude, mais pas ceux de Moscou : plusieurs drones ont percuté hier des immeubles d’habitation dans la capitale russe. L’armée ukrainienne multiplie les attaques audacieuses pour brouiller les pistes avant sa contre-offensive de printemps. En février l’an dernier, lorsqu’il baptisait son invasion de l’Ukraine « opération militaire spéciale », Vladimir Poutine signifiait aux Russes que ce serait une petite affaire vite réglée. Quinze mois plus tard, des drones viennent de percuter des immeubles d’habitation à Moscou, amenant un parfum de guerre aux habitants de la capitale russe, qui s’en croyaient préservés. Le choc psychologique est bien plus rude que l’impact militaire.

Par un curieux retour des choses, Trump pourrait sauver la mise à Poutine. Si on ne l’arrête pas, il laissera Poutine conserver les régions conquises en échange d’un traité de paix. Pour l’Ukraine, il s’agit de récupérer les territoires perdus au plus vite; pour la Russie, de ne pas céder de terrain. Dans les prochains dix-huit mois, les sondages électoraux aux États-Unis risquent de faire autant de bruit que les canons dans le Donbass.

L’Arabie Saoudite s’est placée au centre du jeu diplomatique moyen-oriental, s’alliant selon les cas aux Russes, aux Chinois ou aux Américains. Elle s’est émancipée de la tutelle américaine comme d’autres puissances moyennes, à la faveur de la guerre en Ukraine. Dans le quotidien libanais « L’Orient-le-Jour », qui n’est pas particulièrement proche du pouvoir saoudien, Mohamed Ben Salman, le prince héritier du royaume, est décrit comme un homme « qui est en train de prendre une dimension qu’aucun leader arabe n’a eue depuis Nasser ».

C’est une affaire de jours, ou plus probablement de semaines, mais en Ukraine l’heure de vérité approche. Le printemps a séché les sols, les armes occidentales sont arrivées en Ukraine – même si le Président Zelensky en souhaite toujours plus – et leur maniement est maîtrisé (ou presque) par l’armée ukrainienne. Face à une Russie qui joue la montre, la contre-offensive de Kiev vise un triple objectif. Conforter le moral des Ukrainiens : rassurer ses alliés européens et américains en leur confirmant qu’ils ont parié sur « le bon cheval » en faisant le choix de défendre des valeurs communes : enfin et surtout démontrer aux élites russes la futilité absolue de la guerre et la fragilité d’une occupation qu’ils ne peuvent même pas maintenir en dépit du rapport des forces initiales sur le terrain.

Pour le moment, l’Ukraine ne parvient toujours pas à obtenir les missiles à longue portée et les avions de combat qu’elle demande. Les Occidentaux ne voudraient pas permettre à Kiev de frapper en profondeur sur le territoire russe, de peur, à la fois, d’être entraîné dans un conflit par alliés interposés, mais aussi face à la crainte du vide stratégique que laisserait un effondrement de la Russie ? Cela semble être la position américaine qui à la fois offre à l’Ukraine un soutien d’une ampleur inédite historiquement, mais semble toujours vouloir contrôler la situation, tout en déclarant que les Ukrainiens en sont maîtres.

En conflit ouvert avec le chef de l’armée et le ministre de la Défense, le patron de Wagner a fait monter sa rhétorique d’un cran en s’en prenant au patron du Kremlin. Il se plaint de ne pas recevoir les munitions demandées pour ses troupes en Ukraine. A quoi joue-t-il ? Dans ses nouvelles vidéos, Prigojine affirme que des soldats russes ont abandonné des positions en raison de la « stupidité de leurs chefs ». Et il vise directement le « grand père » Poutine, affublé de quelques insultes.

Ce 9 mai, des millions de Russes regarderont, pour beaucoup en ligne, le spectacle d’un monde à l’envers : ils verront les enfants d’aujourd’hui mener les guerres du passé et les soldats d’aujourd’hui décrits comme rejouant la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, cette année, rien ne se passera comme prévu. Des défilés ont été annulés dans la douzaine de grandes agglomérations situées à six cents kilomètres de la frontière avec l’Ukraine. Le Régiment immortel, qui voit habituellement plus d’un million de Russes dans les rues, et même la participation personnelle de Poutine, a vu ses défilés remplacés par des alternatives en ligne

Quel drôle de jour férié que le monde fête aujourd’hui ! Nous célébrons la fin de la IIe Guerre Mondiale, la fin de l’Allemagne nazie, la libération du fascisme. 100 millions de vie humaines avait coûté cette guerre, la moitié du monde était en ruines, mais le monde respirait à nouveau. « Jamais plus ça ! », telle était la conclusion dans le monde entier. Mais l’escalade de la guerre en Ukraine continue, les crimes de guerre se multiplient, et le monde est divisé. Mais pas comme nous essayons de nous convaincre nous-mêmes, en pensant que le monde entier voit les choses comme nous. Aujourd’hui, le monde s’organise autour des états BRICS qui eux, se fichent pas mal des perspectives et souhaits américains et européens.

La position ambiguë de Pékin, qui affirme soutenir « les objectifs et les principes de la Charte des Nations unies » tout en se refusant de les appliquer au cas ukrainien, pèse sur sa crédibilité et consacre un rapport de force brutal avec les Occidentaux. Cet axe révisionniste ne fait pas mystère de ses intentions de remettre en cause ce qu’il reste d’un ordre mondial jugé trop favorable aux pays occidentaux.