C’est finalement une grande partie de son capital politique aux yeux du peuple russe que Poutine est en train de dilapider. Il pouvait dire qu’il était autoritaire et détesté en Occident mais qu’au moins la Russie était respectée et de nouveau grande sur la scène internationale. Elle ne l’est plus. Elle risque d’être encore plus affaiblie.

Jusqu’où l’offensive militaire lancée par Vladimir Poutine sur l’Ukraine peut-elle s’étendre ? Entretien avec Florent Parmentier, secrétaire général du Centre de recherches politiques de Sciences Po. « Il faut repartir de la rationalité de Vladimir Poutine, qui n’est pas la nôtre. Nous réfléchissons en termes de coûts-avantages, lui en termes de mission historique »

Stratégiques, idéologiques et historiques: les clés pour comprendre les raisons des opérations militaires en Ukraine. Pour y voir plus clair, il est indispensable d’examiner l’argumentaire déployé par les autorités russes pour justifier leurs actions. Dans la guerre en Ukraine, les non-dits sont tout aussi importants qui les discours. Le storytelling officiel ne dit pas tout. Mais il est en lui-même éloquent.

Il fallait bien sûr tenter de négocier sur les « garanties mutuelles de sécurité », et la France l’a fait — avec une liberté que n’a pas l’Allemagne, qui a choisi la dépendance énergétique envers la Russie —, mais il faut le faire en gardant à l’esprit que les « inquiétudes russes » sont un énorme mensonge. Ce qui inquiète la Russie ce n’est pas l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, c’est la poursuite du développement démocratique de l’Ukraine.

Que ce soit via ses structures étatiques officielles ou des groupes de hackers-mercenaires aux contours et liens plus flous mais aux crimes et compétences bien réelles, la capacité de nuisance de la Russie en la matière est l’une des plus puissantes et des plus actives au monde. Les opérations passées, dont il est impossible de faire une liste exhaustive tant elles furent nombreuses, l’ont maintes fois prouvé.

Aujourd’hui, l’Ukraine est en piteux état mais elle est définitivement perdue pour la Russie. La plus importante des anciennes Républiques Socialistes Soviétiques est irrémédiablement tournée vers l’Occident sur tous les plans. La majorité de la population ne veut pas rejoindre la Fédération ; les élites accélèrent la redéfinition de l’identité nationale séparément de la Russie ; les Occidentaux font bloc pour assurer son indépendance. La reconnaissance de l’indépendance de régions séparatistes à la Fédération de Russie acte la limite des marges d’action russe dans ce pays

Vladimir Poutine va-t-il s’arrêter là ? Premier test : va-t-il lancer son armée à la conquête de territoires situés au-delà de la ligne de front, et qui sont revendiqués par les deux Républiques séparatistes, comme le port de Mariupol, sur la mer d’Azov. Si les troupes russes traversent la ligne de front, ce sera la guerre, ne nous y trompons pas.