Avec Poutine embourbé en Ukraine et visé par un mandat d’arrêt international, la Chine fait figure de planche de salut. Mais Xi Jinping voit au-delà de la Russie et l’Ukraine, il vise le leadership du monde non-occidental. Xi Jinping voit bien au-delà de la Russie et du conflit ukrainien qui n’est pas sa priorité. Il vise le leadership du monde non-occidental, ces pays du Sud qui n’ont pas voulu s’aligner sur Washington en Ukraine, et veulent s’émanciper des alliances du passé.

Au lendemain du mandat d’arrêt lancé par la Cour pénale internationale contre Vladimir Poutine, le numéro un chinois Xi Jinping arrive à Moscou pour une visite de trois jours. Un soutien politique, mais jusqu’où est-il prêt à aller concrètement ? Depuis que Xi Jinping et Vladimir Poutine ont décrété, il y a un peu plus d’un an, que l’amitié entre la Chine et la Russie était « sans limites », tout le monde se demande où sont effectivement les limites. On va avoir une occasion de l’évaluer avec la visite de trois jours qu’effectue, à partir d’aujourd’hui, le Président chinois en Russie.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a eu de graves répercussions sur la position de Moscou dans l’arène mondiale. Isolé de l’Occident, enlisé en Ukraine et abandonné par ses alliés nominaux, le Kremlin se retrouve seul à mener une guerre qu’il n’est pas sûr de gagner. Mais la Russie parviendra-t-elle à préserver au moins une partie de son influence politique au Bélarus, au Kazakhstan, au Kirghizstan, en Arménie et au Tadjikistan – pays qui, jusque-là, ont été dans l’orbite géopolitique de Moscou ?

Poutine dans son outrance, sinon sa paranoïa, est de facto le meilleur agent d’influence, le meilleur ciment de l’unité européenne et atlantique. Le continent européen ne se sentait menacé ni par Milosevic, ni par Saddam Hussein. Il en est tout autrement avec les rêves impériaux et le chantage au nucléaire du maître du Kremlin. Et plus l’on est géographiquement proche de la Russie, plus le sentiment de menace est grand.

Et s’ils avaient raison ? Et si ce n’était pas que le besoin d’y croire qui faisait dire aux dirigeants ukrainiens que c’est dès cette année que leur pays l’emportera ? On ne sait pas. Le sort des armes est par définition tellement incertain que toute prophétie est hasardeuse mais le fait est qu’il y a désormais cinq motifs de penser qu’ils pourraient n’avoir pas tort.

Parmi les nombreuses erreurs de calcul de Vladimir Poutine dans ce conflit, il y a l’évaluation des opinions publiques européennes. La hausse brutale des prix de l’énergie, dans les premières semaines de la guerre, a fait espérer au Kremlin -et à ses amis politiques-, l’émergence d’un mouvement populaire opposé au soutien à l’Ukraine. Ça ne s’est produit nulle part en Europe. Contrairement à ce que’il pouvait espérer, les opinions publiques européennes sont restées très favorables à l’Ukraine et au soutien de l’Union européenne. 65% des Européens approuvent même le financement par l’UE d’achats d’armes pour Kiev.

La vraie victoire de Vladimir Poutine n’est pas d’avoir anéanti l’opposition et écrasé les sociétés civiles en Russie. C’est d’avoir orchestré une apathie généralisée, une passivité mêlée à de la crainte, dans une confusion entretenue. Depuis un an, Benoît Quénelle a échangé avec des Russes de l’invasion de l’Ukraine — il livre un témoignage.