Au-delà du contournement voire de la « trahison » des corps intermédiaires, c’est le discrédit sans appel jeté sur les oppositions qui interroge : les syndicats sont rejetés dans la catégorie à des « corporations » nuisibles[3], qui freinent l’action politique ; les associations sont suspectées en bloc de séparatisme, ceux luttant contre les discriminations deviennent des « islamo-gauchistes » ; enfin, on n’hésite plus à qualifier d’« écoterrorisme » des atteintes aux biens commises par des militants environnementaux.
Macron
Macron se trompe d’époque et nous fait perdre du temps. Il applique des recettes complètement inadaptées au monde des années 2020, comme s’il était resté bloqué intellectuellement à l’époque de l’euphorie libérale des années 1990 et du début des années 2000, le monde d’avant la crise de 2008, le Covid et l’Ukraine. Le contexte actuel est pourtant celui de la montée des inégalités, de l’hyper-prospérité patrimoniale et de la crise climatique et énergétique. L’urgence est l’investissement dans la formation et la santé et la mise en place d’un système économique plus juste, en France et en Europe et plus encore à l’échelle internationale. Qu’importe : le gouvernement continue de mener une politique antisociale d’un autre âge.
Aux Etas-Unis, Emmanuel Macron a critiqué le patriotisme économique américain, qui met à mal une industrie européenne déjà fragilisée. Mais ce discours révèle en creux le manque de consensus des Vingt-sept à définir une riposte commune. Il iexiste un risque que « la France et l’Europe deviennent une variable d’ajustement ».
En réitérant son appel à « ne pas humilier la Russie », Emmanuel Macron a déclenché une nouvelle vague de critiques et d’incompréhension au moment où la France entend jouer les médiateurs dans le conflit ukrainien. Pour le diplomate américain Daniel Fried, Emmanuel Macron se place dans une « diplomatie de bonne foi ». « Mais le Kremlin est dans une logique de violence », loin des « gestes de bonne volonté ».
Le paysage politique français, structuré autour de trois pôles, est en décalage avec un mode de scrutin adapté à la bipolarisation, ce qui met en question la représentativité des élus, choisis au second tour par défaut plus que par adhésion, et, au-delà, le fonctionnement même des institutions démocratiques.
Quelle que soit l’issue de l’élection, on peut déjà être sûr d’une chose : nous n’assisterons pas au paisible retour d’un rassurant clivage gauche-droite. D’abord parce la droitisation générale du paysage politique correspondent à une tendance lourde, que le macronisme au pouvoir a dangereusement accentué. Ensuite car il faudra un long travail pour que les forces de gauche parviennent à s’unir et à accéder au pouvoir.
La Conférence des évêques de France se contente d’inviter à voter « en conscience, à la lumière de l’Evangile et de la doctrine sociale de l’Eglise », comme si elle renvoyait dos à dos Emmanuel Macron et Marine Le Pen.