Le rachat de Twitter par le milliardaire s’est accompagné d’une nouvelle politique de modération favorable aux franges les plus radicales, qui font leur grand retour sur le réseau social. «Venez comme vous êtes.» C’est peu ou prou le message envoyé par Twitter ces derniers jours en réintégrant de nombreuses personnalités d’extrême droite.
Elon Musk
Que ses créateurs le veuillent ou non, lorsqu’il sera entièrement rendu public, l’outil finira par revendiquer une autorité qui concurrencera une page Wikipédia écrite de manière critique. En d’autres termes, les gens se forgeront un jour des opinions sur la base d’informations fournies par une technologie d’IA qui prétend faire preuve d’impartialité alors qu’elle demeure imparfaite sur des sujets tels que le racisme en politique et la question palestinienne – bien plus que ce que l’intervention humaine ne peut résoudre.
Les rêves cosmiques d’Elon Musk ne font plus rire. Jusqu’ici, on présentait ce personnage fantasque comme un entrepreneur de génie, qui fascinait à la fois les amateurs de success stories et les fans de science-fiction. Aujourd’hui, ses superpouvoirs inquiètent.
Les prises de position du milliardaire, tout comme sa gestion du réseau social, témoignent d’une ligne résolument favorable au conservatisme extrémiste et à la complosphère. Celui qui expliquait il y a quelques semaines avoir procédé à cette acquisition pour aider l’humanité, en bon techno-solutionniste messianique, révèle peu à peu un autre objectif: la lutte contre tout ce qui touche de près ou de loin au progressisme et la promotion du confusionnisme apprécié des sphères de l’alt-right.
Le nouveau propriétaire de Twitter a lancé un appel à voter Républicain aux élections de mi-mandat aux États-Unis ; cet adepte de la liberté de parole sans limites va dans le même sens que Donald Trump dont il n’est pourtant pas proche.
Le rachat d’un réseau social par un milliardaire directement impliqué dans l’action politique est une première. Le risque de conflit d’intérêts est majeur.
De quoi Elon Musk est-il le nom ? Pas un jour sans que le milliardaire américain, patron des voitures Tesla et du lanceur Space X, ne fasse parler de lui. Excentrique et avide de publicité, il l’est assurément ; mais il faut aussi le prendre au sérieux, car il incarne une évolution significative, l’irruption du privé dans des domaines inhabituels. En proposant un plan de paix pour l’Ukraine, Elon Musk s’est attiré les foudres des dirigeants ukrainiens qui n’ont pas apprécié ; une « privatisation » de la diplomatie aux aspects inquiétants.
La forêt amazonienne n’a jamais été aussi maltraitée que sous le mandat de Jaïr Bolsonaro. Alors que les preuves s’accumulent contre le président brésilien, ce dernier a demandé de l’aide à Elon Musk afin de rétablir « la vérité » sur la déforestation du poumon de la planète.
Avec le Digital Services Act adopté le 23 avril, l’Union européenne pourra imposer aux grandes plates-formes numériques (Facebook, Amazon) de mieux éliminer les contenus illicites en ligne. Le rachat de Twitter par Elon Musk, qui défend une conception radicale de la liberté d’expression, rappelle combien il est urgent de baliser le fonctionnement des réseaux sociaux.
En fervent libertarien, Musk se dit « absolutiste de la liberté d’expression », proclamant cette liberté de tout dire, même la haine, même le mensonge, au titre du Premier amendement de la Constitution américaine.