l’occasion du centenaire de la République, la Turquie pourrait-elle tourner la page de l’ère Erdogan ? C’est tout l’enjeu des élections présidentielles et législatives du 14 mai prochain. Pour la première fois depuis 2002, date à laquelle son parti remporte la majorité au Parlement, le scénario d’une défaite pour l’AKP et son leader pourrait se réaliser. La République restera-t-elle fidèle au projet de ses fondateurs, inspirés par les principes des Lumières ? Ou, au contraire, sera-t-elle remodelée par un pouvoir politique religieux et autoritaire qui ne fera qu’abîmer encore davantage son pluralisme ? « Kulturkampf », entre les tenants d’une vision religieuse autoritaire et les partisans d’un pays démocratique et laïque.

En prenant la tête d’une coalition d’extrême droite fin décembre 2022, Benyamin Netanyahou s’est éloigné de sa « marque » pour passer en « mode survie ». Pour reprendre – après dix-huit mois d’absence – les rênes du pouvoir exécutif, il n’hésitera pas à distribuer des postes-clés de son gouvernement (comme les Finances et la Sécurité nationale) à des ministres dont certains s’avouent racistes et fiers de l’être. Il ira même jusqu’à satisfaire à toutes les revendications (budgétaires et politiques) présentées par ses partenaires gouvernementaux, perdant sa capacité de négocier, voire de refuser certaines exigences qu’il jugeait inadéquates.

La révolution judiciaire tentée par le gouvernement de Binyamin Netanyahou a suscité des protestations massives, d’une ampleur sans précédent dans l’histoire du pays. Bien sûr, il y a la prise de conscience que la démocratie est violemment remise en cause, et qu’Israël risque de glisser vers l’illibéralisme de la Pologne et de la Hongrie, où les atteintes à la démocratie ont commencé par les attaques contre l’indépendance des juges. Mais il semble bien que les causes de la révolte soient beaucoup plus profondes.

Les séismes dévastateurs qui ont tué plus de 50.000 personnes en Turquie (et au moins 7000 personnes dans le nord de la Syrie) en février dernier ont mis en lumière des problèmes profondément enracinés, à l’approche des élections présidentielle et législatives du 14 mai prochain, qui pourraient faire date. Il est désormais clair que la Turquie, plus qu’un changement de gouvernement, a besoin d’une refonte de ses systèmes politique et économique. Cela implique d’affronter la tout-puissante industrie du bâtiment et de s’efforcer de rétablir la démocratie chancelante du pays.

Arrivé au pouvoir, il y a vingt ans, sur les ruines d’un tremblement de terre meurtrier, le dirigeant turc va jouer sa survie politique lors des élections présidentielle et législatives du 14 mai dans des circonstances similaires.
Malgré les moyens mis en œuvre pour faire taire les critiques, l’opposition et la société civile ont à présent la lourde tâche de faire la lumière sur ces dérives criminelles.

Le président doit gagner ces élections afin de préserver son immunité. Au risque, sinon, de devoir répondre des nombreuses violations de l’État de droit qu’il a commises, et des accusations de fraudes et de corruption auxquelles il fait face. Ces accusations devraient se multiplier à la suite des collusions entre pouvoir, clientélisme et entrepreneurs mises au jour par le séisme.

Le comportement éthique des responsables de l’Union européenne est une exigence qui dépasse le simple enjeu démocratique. Il en va de la confiance politique dans le projet européen. Lorsque la confiance est accordée à un gouvernant dont le pouvoir et la légitimité reposent sur le consentement des gouvernés, il doit montrer qu’il en est digne. Ce lien de confiance est de nature politique et éthique, et sa rupture sape la légitimité du système représentatif.

« Je n’ai pas envie de dire que les hommes politique seraient par nature corrompus, quoique… Je pense très sincèrement qu’ils n’ont pas tout à fait la conscience de l’immensité du phénomène avec lequel notre pays est aux ­prises. Et comme ils n’en ont pas la conscience, le public non plus. C’est la raison pour laquelle je tire cette sonnette d’alarme envers ce “ventre mou” qu’est le monde politique. »

Certains diront que cet épisode est exceptionnel, et ne représente pas la culture du Parlement européen. C’est vrai et faux. Vrai, parce qu’il est rare qu’on tombe dans une affaire sur 1.500.000 euros en cash non déclarés. Faux, car la plupart des parlementaires sont seulement plus malins que Kaili. Ils utilisent d’autres méthodes, moins visibles, pour vendre leurs services.

La sombre affaire de corruption révélée ces jours-ci au cœur du Parlement européen appelle un sursaut. Des outils existent — mais la prise au sérieux du risque par les plus hautes instances de l’Union est encore trop faible. Trop longtemps aveuglés par une confiance jamais questionnée dans l’auto-régulation et la transparence, l’Union et les États membres doivent réagir : il est temps de penser une stratégie autonome de défense des institutions.

Le respect de la liberté des élus européens ne peut faire obstacle à leur obligation de déclarer leurs activités extérieures ainsi que les réunions auxquelles ils participent, notamment avec des représentants ou des lobbyistes de pays tiers. Au-delà du seul Parlement, un renforcement du code d’éthique et de lobbying des institutions européennes s’avère vital pour une Union dont les soubresauts du monde soulignent à la fois les fragilités et l’importance.

Doha n’est pas le seul pays à mener un tel lobbying. Régulièrement, les échos se font de la pression de plusieurs pays, sensibles aux prises de position du Parlement européen. Les pressions de la Chine et la Russie, utilisant toutes les méthodes, y compris l’espionnage et l’entrisme, ont été bien décrites récemment. Mais même des pays dit « amis », comme les États-Unis font entendre puissamment leurs voix, convoquant presque les eurodéputés, en cas de mise en danger de ce qu’ils considèrent leurs intérêts