Lorsqu’elle a pris ses fonctions de présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen avait annoncé qu’elle présiderait une commission « géopolitique ». L’espoir était monté en flèche pour tous ceux qui aspirent à une Europe « puissance ». Ursula Von der Leyen a pris un leadership en Europe pour faire face à la guerre afin d’organiser l’aide européenne, y compris militaire, à l’Ukraine, outrepassant très nettement ses compétences. Elle a œuvré pour que l’Ukraine obtienne très rapidement le statut de pays candidat à l’Union européenne sans pour autant tenir compte des réalités économiques ou de gestion. Elle a également engagé un rapprochement très net entre l’Union européenne et l’OTAN.

Avec Poutine embourbé en Ukraine et visé par un mandat d’arrêt international, la Chine fait figure de planche de salut. Mais Xi Jinping voit au-delà de la Russie et l’Ukraine, il vise le leadership du monde non-occidental. Xi Jinping voit bien au-delà de la Russie et du conflit ukrainien qui n’est pas sa priorité. Il vise le leadership du monde non-occidental, ces pays du Sud qui n’ont pas voulu s’aligner sur Washington en Ukraine, et veulent s’émanciper des alliances du passé.

Au lendemain du mandat d’arrêt lancé par la Cour pénale internationale contre Vladimir Poutine, le numéro un chinois Xi Jinping arrive à Moscou pour une visite de trois jours. Un soutien politique, mais jusqu’où est-il prêt à aller concrètement ? Depuis que Xi Jinping et Vladimir Poutine ont décrété, il y a un peu plus d’un an, que l’amitié entre la Chine et la Russie était « sans limites », tout le monde se demande où sont effectivement les limites. On va avoir une occasion de l’évaluer avec la visite de trois jours qu’effectue, à partir d’aujourd’hui, le Président chinois en Russie.

Plusieurs pays dans le monde semblent préférer les Russes ou Chinois. L’Europe s’en étonne, s’en offusque, accusant l’entrisme des mercenaires de Wagner ou le cynisme chinois. Mais faut-il en être surpris ? Ce détachement de l’Europe d’une bonne partie des pays africains ou asiatiques trouve sans doute des racines dans l’histoire des non alignés. Il s’explique par des raisons structurelles. Mais il tient aussi en bonne partie à la politique européenne, balançant entre repli sur soi, tentation du vide et double standard.

Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à être pris de court. Cette reprise des relations diplomatiques arrive en effet au pire moment pour le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, déjà fragilisé dans son pays par la contestation que suscite une réforme de la justice qui mine les ressorts démocratiques d’Israël. M. Nétanyahou espérait isoler un peu plus l’Iran en ralliant l’Arabie saoudite, ses calculs viennent de s’effondrer.

L’annonce et la signature de cet accord, le jour même de la réélection de Xi Jin Ping à un troisième mandat à la présidence de la Chine, ne sont pas fortuites. Elles viennent signifier au monde que Pékin est désormais le seul interlocuteur capable de dicter à l’Iran sa conduite future. Il a aussi l’avantage de séduire l’égo de l’Arabie saoudite, en quête de statut de puissance régionale détachée des contraintes imposées par l’Occident.

Arrestations arbitraires, interrogatoires, tortures, travaux forcés… La machine répressive chinoise qui s’abat sur la région du Xinjiang touche aussi bien les Ouïghours que les autres minorités ethniques. Les rescapés kazakhs parvenus à franchir la frontière rapportent avec eux les récits de cette vaste entreprise de déshumanisation.

La Chine a proposé vendredi 24 février 2023 un projet de règlement politique de la crise ukrainienne. Comme Moscou, Pékin évite d’employer le terme de guerre qui correspond pourtant à la réalité. La publication de ce plan montre que la Chine n’entend pas rester à l’écart du conflit et reconnaît son impact mondial. La Chine a adopté une attitude de neutralité bienveillante à l’égard de Moscou. Elle s’abstient sur les résolutions de l’ONU qui condamnent son agression. Lors de la récente visite du ministre des Affaires étrangères chinois à Moscou, celui-ci a rappelé que l’amitié entre les deux pays était solide « comme le roc ». Cela n’est cependant pas tout à fait certain.

Quel est l’avenir de l’Occident, quand plus d’un habitant sur deux sur la planète considère la Russie comme un pays « allié » ou « partenaire » de sa patrie ?
Un an après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, une réorganisation fondamentale de l’ordre international est en cours. L’Occident, uni pour la première fois depuis des années, a redécouvert sa raison d’être. Parallèlement, on assiste à une compétition croissante entre les puissances émergentes pour le leadership géopolitique.

Joe Biden et Vladimir Poutine ont fait des apparitions opposées ces derniers jours, illustrant la fracture du monde. Mais la Chine est aussi dans le paysage marqué par cette guerre qui risque de redessiner le monde de demain. Le mot qui revient le plus souvent pour parler de l’état du monde à l’heure de la guerre en Ukraine, est : « fragmenté ». Assurément un euphémisme, alors que nous en avons vu, ces derniers jours, les profondes divisions.

Si elle réussissait à faire taire les armes en Europe, la Chine se hisserait du même coup au rang de puissance essentielle, non plus seulement économique et militaire mais également politique. Son poids international en serait si considérablement renforcé que c’est dès le premier quart de ce siècle qu’elle se placerait au même rang que les Etats-Unis en devenant l’autre des deux superpuissances.

Les divisions entre les deux grands partis des Etats-Unis sur le dossier chinois sont une mauvaise nouvelle dans un monde déjà déstabilisé par l’invasion russe en Ukraine. Les défis communs sont trop nombreux, de la lutte contre les pandémies à celle contre le dérèglement climatique, pour que l’un comme l’autre se claquemurent dans la défiance, voire l’hostilité.