Le monstre du wokeness

En France, aux États-Unis, et dans les autres démocraties, les contempteurs du « wokisme » se gardent bien de dire de quoi ce terme est le nom. De fait, il sert avant tout d’insulte, d’épouvantail. Si nous cherchons à en donner une définition a minima, on se rend très vite compte qu’il renvoie à tout ce que l’extrême droite déteste : le féminisme, l’anti-racisme, le combat pour les droits LGBTI, la lutte écologiste, le combat contre le néolibéralisme.

Car inonder l’espace discursif avec la menace du « wokisme », à partir d’anecdotes, d’amalgames et de rumeurs, répond à un objectif précis : laisser moins de place aux commentaires sur la menace fasciste, ce qui revient à en minimiser l’ampleur et la dynamique et ainsi à la laisser prospérer. C’est donc un projet politique pensé et assumé, qui ne doit rien au hasard. Celles et ceux qui, au-delà de l’extrême droite, fustigent les « wokes » pour disqualifier leurs adversaires politiques, parfois dans leur propre camp, pourraient y réfléchir.

Qui interdit les livres ? L’extrême droite

Aux États-Unis, c’est par des lois locales se voulant « anti-woke » qui, elles, ne sont pas anecdotiques, que des livres sont interdits et retirés des bibliothèques scolaires. C’est par des lois locales que les programmes universitaires en études de genre, sur l’histoire du racisme, de l’esclavage et de la ségrégation sont censurés. On glorifie ainsi une époque du « c’était mieux avant », quand les hommes et les femmes, les Noirs et les Blancs étaient « à leur place », quand le masculinisme et le racisme institutionnalisés triomphaient. Un patriarcat blanc pétri de ressentiment, qui détient la plupart des leviers du pouvoir, craint de le partager. C’est par des lois locales que des États fédérés mettent un terme au financement de dispositifs luttant contre les discriminations dans l’enseignement supérieur.

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