Pour bien des analystes et observateurs, turcs compris, cela allait de soi: le président Recep Tayyip Erdoğan allait payer la facture électorale de l’inflation vertigineuse que connaît la Turquie (72,3 % en 2022) et du double séisme du 6 février (plus de 50.000 mortset 3,5 millions de personnes sans domicile). Après tout, n’en était-il pas responsable?
En cause, en effet: sa politique économique hétérodoxe de taux d’intérêt bas malgré l’inflation, et sa politique de construction, clientéliste et corrompue, laissant la porte ouverte à des constructeurs véreux qui ne respectaient pas les normes antisismiques –sans parler d’une gestion des secours défectueuse. Et pourtant, avec 49,4% des voix face à son rival Kemal Kılıçdaroğlu à l’issue d’un premier tour marqué par une participation élevée, entre 84% et 86% selon le Haut-Comité électoral, le voici favori et presque assuré de sa victoire au second tour de la présidentielle.
Certes, la campagne, tout à son avantage, n’a pas été équitable. Le candidat d’opposition Kemal Kılıçdaroğlu est rarement apparu sur les chaînes de télévision, tandis que Recep Tayyip Erdoğan y était omniprésent.
Avec 90% des médias à sa main, le candidat Erdoğan n’a pas non plus hésité à produire de grossiers montages, dont un, diffusé lors de son meeting du 7 mai à Istanbul et à la télévision, qui montre son opposant aux côtes de Murat Karayılan, chef militaire du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), formation kurde autonomiste, inscrite sur la liste des organisations terroristes en Europe et aux États-Unis. De quoi rebuter sa base, Kurdes anti-PKK compris.
Le président turc a aussi placé les dix provinces touchées par le tremblement de terre sous état d’urgence jusqu’au 8 mai, ce qui veut dire qu’il les a privées de la latitude d’expression et de manifestation qu’une campagne électorale induit. Enfin, les irrégularités n’ont pas manqué: concernant l’inscription des réfugiés du séisme sur les listes électorales, le fait que des ministres se présentent à la députation sans démissionner, et qu’Erdoğan lui-même brigue un troisième mandat, alors que la réforme constitutionnelle de 2017 interdit d’en effectuer plus de deux, pour ne citer que quelques exemples.
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