La « normalisation » des relations entre les États arabes et Damas était dans l’air depuis plusieurs années. La partie s’est jouée en trois phases :
Dès 2018-2019, les Émirats arabes unis avaient rompu le (relatif) consensus interarabe en rouvrant leur ambassade à Damas. Ils avaient été suivis par Bahreïn puis le sultanat d’Oman. Abou-Dhabi sera la première capitale arabe visitée par Assad en 2022.
D’autres États de la région – notamment l’Égypte – bien que tentés, restaient réticents. La Jordanie de son côté a songé au moins dès 2021 à proposer un processus conduisant à une réintégration dans la Ligue en échange de concessions de Damas. Vu depuis Amman, le développement du commerce du captagon par le régime d’Assad (une drogue qui inonde désormais toute la région), la porosité des frontières, la pression des réfugiés syriens constituaient autant de motifs de « réengager » Damas.
Le séisme du 6 février 2023 a constitué le fait déclencheur d’un net mouvement vers la normalisation. De nombreux ministres de la région – dont l’Égyptien et le Saoudien – ont fait le voyage à Damas sous le prétexte de faciliter une aide humanitaire dont les opinions arabes voyaient qu’elle se déversait en Turquie alors que la Syrie paraissait à l’écart de la solidarité internationale. Une première réunion d’États de la région à Ryad avec le ministre syrien des affaires étrangères le 14 avril, puis surtout une rencontre Arabie saoudite, Irak, Égypte, Jordanie et Syrie le 1er mai à Amman (au niveau ministériel) posaient les bases d’une négociation en vue d’une réintégration de la Syrie dans la Ligue.
L’objectif des négociateurs arabes était d’obtenir des engagements précis de Damas en matière de retour « sûr » des réfugiés, de contrôle des frontières et de lutte contre la production du captagon. Inutile de dire que les négociateurs syriens – sous la conduite du ministre Faysal Mekdad, diplomate rompu à la procrastination – ont fait en sorte que ces engagements soient vides de tout contenu. Assad considère qu’ayant gagné, il n’a pas à acheter la reconnaissance de sa victoire
En arrière-plan de ces discussions figurait bien sûr le spectre habituel hantant la relation entre Damas et les États de la région, notamment l’Arabie Saoudite, c’est-à-dire l’espoir, toujours déçu, toujours renaissant, d’éloigner la Syrie de l’Iran.
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