Turquie. Les incertitudes électorales désorientent une société fracturée

Dans le quartier de Bornova à Izmir, sur la côte égéenne, une cinquantaine de personnes entourées de banderoles et d’affiches électorales font la queue pour de la viande subventionnée. La municipalité a ouvert il y a un an ce petit magasin où la viande fraîche est vendue chaque jour 30 % moins cher que dans les supermarchés. La file d’attente dure plus de quatre heures, jusqu’à épuisement de la viande produite par les agriculteurs locaux. Cette initiative est destinée à aider les producteurs et les consommateurs touchés par l’inflation. Celle-ci a dépassé les 50 % selon les chiffres officiels, que des économistes jugent sous-évalués.

Plusieurs bénévoles de partis politiques profitent de l’attente des clients pour les approcher, dans l’espoir de gagner quelques voix indécises. Les sondages prédisent un résultat très serré qui pourrait ébranler la présidence de Recep Tayyip Erdoğan, au pouvoir depuis vingt ans. La crise inflationniste que connaît le pays depuis près de deux ans et les critiques de la gestion des conséquences du terrible tremblement de terre qui a secoué le sud du pays en février, faisant plus de 55 000 morts, ont érodé la popularité du chef de l’État. Ce dernier pourrait également perdre sa majorité au Parlement, bien qu’il se soit présenté aux élections avec une alliance de partis ultranationalistes et islamistes. Son principal adversaire à la présidence, le social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu, le devance de 2 à 4 % dans certains sondages. Il est soutenu par une coalition de forces politiques de centre gauche, de droite et libérales, y compris d’anciens alliés du président. L’opposition n’a jamais été aussi proche de la victoire.

L’actuel président turc axe sa campagne sur les avancées technologiques, de construction et de défense que le pays a connues au cours des deux dernières décennies sous son règne. Son discours est également agressif à l’égard de l’opposition, qu’il « accuse » d’être LGBTQI et de s’allier à des groupes terroristes. Son ministre de l’intérieur, Suleyman Soylu, est allé jusqu’à qualifier les élections de « coup d’État » de l’Occident. L’opposition quant à elle a opté pour un discours plus ouvert, s’adressant aux jeunes et aux minorités du pays. Kiliçdaroglu rend Erdoğan responsable de la situation économique en s’appuyant sur des exemples simples, tels que l’augmentation du prix des denrées alimentaires de base, comme les oignons, qui ont augmenté de 300 % au cours de l’année écoulée d’après les données de la Chambre des agriculteurs. Ses courtes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux sont devenues virales, faisant contrepoids aux grands médias, dont la plupart sont aux mains d’entreprises proches du gouvernement. Ils décrivent Kiliçdaroglu comme un putschiste et un provocateur. Erdoğan a quant à lui nié cette inflation, soulignant que la Turquie avait déjà surmonté ses problèmes économiques.

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