Dans le monde parallèle des images conçues par des algorithmes, l’après-guerre a été riche en événements méconnus. En 1962, la chimiste britannique Rosalind Franklin aurait obtenu le prix Nobel de médecine pour sa découverte de l’ADN. En 1957 se serait tenue la première convention furry – un mouvement d’adeptes de déguisements animaliers. Sept ans plus tôt, des scientifiques auraient même découvert au pôle Sud des structures signées d’une civilisation inconnue.
Ces événements n’ont jamais eu lieu, et pourtant, en apparence du moins, des « photos d’époque » les documentent. Malgré leur patine qui semble d’époque, ces clichés ont été générés en 2023 à l’aide d’intelligences artificielles (IA) génératrices d’images. En vérité, aucune mégastructure n’a jamais été découverte sous l’Antarctique ; le mouvement furry n’est pas apparu avant les années 1980 ; quant à Rosalind Franklin, elle est morte en 1958 et n’a jamais reçu le prix Nobel.
Depuis le lancement de la cinquième version de Midjourney, en mars 2023, qui a marqué la démocratisation de l’IA génératrice d’images, il n’a jamais semblé aussi simple de falsifier l’histoire à l’aide d’illustrations factices. D’innombrables créations de ce genre ont été mises en ligne sur Reddit, Twitter ou Facebook. Si certaines sont à l’évidence humoristiques, d’autres instillent le doute quant à leur authenticité.
(…) L’étape prochaine consiste à voir des personnalités publiques s’emparer de cette technologie à des fins politiques. Aux Etats-Unis, Eric Trump (le second fils de Donald Trump) a partagé au début d’avril une photographie algorithmique virale, non datée, d’un défilé à la gloire de son père dans les rues de New York.
En France, le militant d’extrême droite Damien Rieu, candidat Reconquête ! aux dernières élections législatives, a illustré un fil Twitter, le 2 mai, sur la traite des Noirs par les arabo-musulmans avec un tableau artificiel d’un homme en turban, glissé parmi des archives authentiques. « Les négriers arabes attiraient les enfants avec des dattes », légende le politicien. « J’ai utilisé Midjourney car je n’ai pas trouvé d’illustrations ou de tableau avec cette mise en scène du témoignage », explique Damien Rieu auprès du Monde. Il avait d’ailleurs prévenu ses abonnés qu’il recourait parfois à l’IA.
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