Il y a deux ans, nous rédigions un texte intitulé « Je ne suis pas contre le droit de grève, mais… » suite aux multiples intimidations dont étaient victimes les grévistes de l’entreprise In-Bev. Aujourd’hui, c’est pire. Des jugements se sont assis sur la décision du Comité européen des droits sociaux. Comité qui a pourtant estimé que les ordonnances sur requête unilatérale sont contraires à la Charte sociale européenne (2)…
Ce n’est pas pour rien que la CSI a déclassé la Belgique dans son indice annuel des violations régulières des droits syndicaux. Des faits, rien que des faits, alignés les uns derrière les autres, montrent que ces droits sont en chute libre. Et dans leur sillage, ceux des mouvements sociaux et autres contre-pouvoirs.
Les récentes décisions de justice dans le conflit Delhaize reposent sur un raisonnement inquiétant : plutôt que de vérifier que l’interdiction des piquets de grève n’est pas disproportionnée, c’est le droit de grève qui est pointé du doigt par le juge parce qu’il porte atteinte aux droits de propriété, à la liberté de commerce (on empêche les clients d’entrer dans un magasin…) et au droit de travailler. Par contre, les intérêts et revendications des salarié.e.s sont, eux, absolument passés sous silence. Les ordonnances prennent des mesures singulièrement drastiques à l’encontre des grévistes et de quiconque s’aviserait d’empêcher l’accès aux magasins, bâtiment et locaux du groupe durant plusieurs semaines. Et si on désobéit ? Les forces de l’ordre nous feront entendre raison et 1.000 euros d’amende par personne et par infraction seront réclamés… De quoi dissuader les plus déterminés !
Une décision qui donne plus de poids aux intérêts économiques du groupe Delhaize qu’au droit d’action collective des salarié.e.s. Et qui vient alimenter le contexte délétère de ces dernières années : condamnations pénales de militant.e.s, délégué.e.s et de responsables syndicaux, amendes administratives, discriminations et licenciements irréguliers de délégué.e.s, instauration du service minimum dans les transports publics, dénigrement des syndicats et de leur gestion des allocations de chômage, propositions de loi répétées de la droite et de l’extrême droite en faveur de la personnalité juridique des syndicats, proposition de loi consacrant le droit à travailler, en opposition au droit de grève… À cet égard, la proposition de loi de Denis Ducarme (MR) prévoit une peine de huit jours à deux mois de prison et une amende allant de de vingt-six à cinq cents euros pour celui ou celle qui, par toute action, aura entravé la liberté de travailler.
La suite ici : Les droits syndicaux sous pression : aujourd’hui Delhaize, demain à qui le tour ?