Élections en Turquie : le triomphe de l’espoir sur la peur ?

La date de ces élections est significative, pour deux raisons. En 1950 d’abord, ce même 14 mai était marqué par les toutes premières élections libres et équitables de l’histoire de la République turque. À cette date, le Parti républicain du peuple (CHP), qui gouvernait seul depuis 27 ans, était battu par le Parti démocrate (DP). L’année 2023, ensuite, marque le centenaire de la fondation de la République turque. Les résultats de ces élections détermineront sa trajectoire à l’orée de son deuxième centenaire.

La République restera-t-elle fidèle au projet de ses fondateurs, inspirés par les principes des Lumières ? Ou, au contraire, sera-t-elle remodelée par un pouvoir politique religieux et autoritaire qui ne fera qu’abîmer encore davantage son pluralisme ? Là réside tout l’enjeu de ces élections : dans la bataille qui se joue autour de l’identité de la Turquie, son « Kulturkampf », entre les tenants d’une vision religieuse autoritaire et les partisans d’un pays démocratique et laïque.

Entre 2002 et 2018, l’AKP et Erdogan ont remporté toutes les élections et référendums nationaux. La magie cesse d’opérer en 2019, avec une victoire de l’opposition dans la plupart des grandes villes aux élections municipales, et notamment à Istanbul, centre économique et financier du pays. En 2017, un référendum controversé a transformé le système présidentiel en un véritable régime “sultaniste” et M. Erdogan a été élu président en 2018, accélérant ainsi la dérive autoritaire de la Turquie.

Au cours des cinq dernières années, les défaillances de gouvernance dont souffre ce système présidentiel mal ficelé n’ont cessé de s’amplifier. La manifestation la plus criante en la matière est très certainement l’échec patent de l’État face aux terribles tremblements de terre du 6 février dernier. Cette tragédie a une fois de plus mis en évidence la faiblesse d’un État gangrené par la corruption, la répression et l’incompétence. Les séismes ont frappé 11 provinces du sud-est du pays et la plupart des villes touchées étaient des bastions d’Erdogan et de l’AKP. D’après les chiffres officiels, ces tremblements de terre ont coûté la vie à au moins 51 000 personnes. L’immense destruction des centres-villes a quant à elle laissé 2 millions de personnes sans-abri, tandis que de nombreux habitants ont fui les villes et se sont dispersés dans différentes régions du pays.

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