Bien que les séismes aient été un phénomène naturel, les immenses dégâts qu’ils ont provoqués sont le résultat de la corruption qui sévit dans l’industrie du bâtiment et au-delà. Cela n’a toutefois pas empêché le président autoritaire de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, de rendre la nature responsable du terrible bilan humain, tout en admettant que les autorités ont été prises au dépourvu. La population turque a été invitée à croire que tout était dorénavant sous contrôle et qu’elle devait faire confiance à Erdogan pour ce qui est de la reconstruction consécutive à la catastrophe.
Il importe toutefois de relever que lorsque la Turquie a été frappée par un puissant séisme (7,6 sur l’échelle de Richter) en 1999, près de la ville d’Izmit, le grand nombre de décès (près de 18.000) avait à juste titre été attribué à des constructions de mauvaise qualité et des plans d’urbanisation déficients. Le gouvernement avait réagi en adoptant des normes antisismiques strictes et un cadre législatif destiné à prévenir de nouvelles constructions dans les zones jugées le plus à risque.
Pourquoi donc les derniers tremblements de terre ont-ils complètement détruit plus de 18.000 bâtiments et fatalement endommagé 280.000 autres ? En bref, la réponse est que les normes de construction n’ont pas été respectées. Bien qu’une grande partie des bâtiments détruits cette année ont été construits après 1999, ils n’étaient pas sûrs (avec des fondations fragiles qui ne comprenaient pas la quantité requise de ciment), parce que les autorités municipales et les contrôleurs ont conclu des ententes avec les entrepreneurs et les promoteurs immobiliers.
La corruption n’est que l’une des facettes de la croissance phénoménale de l’industrie de la construction en Turquie au cours des deux dernières décennies. Elle représente aujourd’hui plus de 40 pour cent de l’investissement en capital fixe, et son influence politique est encore plus importante que ce chiffre ne le laisse supposer. Les grandes entreprises du BTP figurent parmi les principaux donateurs à tous les grands partis politiques et elles maintiennent des liens étroits et répréhensibles avec toutes les autorités municipales, quelle que soit leur appartenance politique.
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La suite ici : Pour reconstruire la Turquie, il faut restaurer sa démocratie | by Daron Acemoglu & Cihat Tokgöz – Project Syndicate