Bien qu’il ait été proposé, au lendemain des tremblements de terre qui ont frappé la Turquie début février, de reporter les élections, ces dernières ont été fixées au 14 mai. En cette année où la République célèbre le 100e anniversaire de sa fondation, près de cinquante-trois millions de Turcs sont appelés à choisir entre la continuité du président Recep Tayyip Erdoğan, au pouvoir sans discontinuer depuis 2003, et l’ouverture d’une nouvelle page de l’histoire politique moderne de la Turquie.
(…) Ce qui fait de ces élections un véritable tournant, c’est que jamais le consensus autour d’Erdoğan et de l’élite politique qui lui est liée ne s’est autant rétréci que ces derniers mois.
La gestion économique et financière de l’exécutif d’Erdoğan a en effet fragilisé une part de son électorat, en particulier la classe moyenne et les personnes les plus exposées à la hausse constante des prix. Les années passées, marquées par une centralisation croissante du pouvoir — institutionnalisée à travers le passage du système parlementaire au présidentialisme — ont créé un système de gouvernement unipersonnel, favorisé l’érosion des institutions et la répression des formes de dissidence. Le processus de régression démocratique, justifié par des situations d’urgence — attaques terroristes, coup d’État manqué, crise pandémique — a suscité le malaise et la désaffection au sein de l’électorat de l’AKP, en plus d’alimenter une tension sociale générale
Les signes d’une désaffection croissante à l’égard d’Erdoğan s’étaient déjà vus lors des élections locales de 2019, lorsque les candidats de la coalition majoritaire (AKP-MHP) avaient perdu dans les trois grandes villes du pays : Istanbul, Ankara et Izmir. À cela s’ajoute le dramatique tremblement de terre de février qui a touché des provinces où Erdoğan avait toujours bénéficié d’un large soutien. Les nombreuses responsabilités politiques du gouvernement, tant dans le manque de prévention que dans l’inefficacité de la réponse dans les heures qui ont suivi les premières secousses, ont mis en évidence, de manière tragique compte tenu de la situation dans les provinces du sud du pays, les nombreuses faiblesses et incohérences de la Turquie qu’Erdoğan projette à l’intérieur du pays comme à l’étranger.
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