Puisqu’aucun texte n’est déposé à ce jour, il reste un certain flou quant au contenu exact de cette annonce. Mais il ressort suffisamment clairement de la manière dont l’idée a été relayée dans la presse qu’il s’agirait en substance d’instituer un recours qui permettrait au Parlement (fédéral ? fédérés ?) d’annuler, à la majorité de deux tiers des voix, les arrêts de la Cour qui ne lui conviennent pas, dont (ou seulement ?) ceux par lesquels la Cour jugerait que le législateur a réduit de manière significative et sans motifs admissibles le niveau de protection d’un droit social, tel le droit aux allocations familiales. Exemple concret : imaginons que le législateur communautaire décide demain de soumettre le versement des allocations familiales au respect, par les parents, d’un certain nombre de conditions dont, notamment, la maîtrise d’une langue nationale. Imaginons ensuite que la Cour soit saisie d’un recours portant sur la législation qui concrétise cette réforme et juge que celle-ci est contraire aux droits que garantit l’article 23 de la Constitution. Grâce au « recours populaire » le Parlement pourrait alors se délier de cet arrêt qu’il désapprouve.
Disons-le directement : cette annonce a de quoi faire frémir, d’autant plus que sa nocivité pour l’Etat de droit risque de ne pas sauter immédiatement aux yeux du citoyen. En effet, n’est-ce pas dans l’absolu une bonne idée de créer une possibilité de recours contre des décisions de justice qui sont rendues en dernier ressort ? N’est-ce pas en soi envisageable qu’une juridiction, même suprême, se trompe et rende un mauvais arrêt qu’il devrait être possible de neutraliser ?
Pour bien comprendre le non-sens de la proposition de la N-VA et surtout sa dangerosité pour l’Etat de droit, il est nécessaire de rappeler la raison d’être de la justice constitutionnelle.
La création d’une justice constitutionnelle dans les pays occidentaux repose sur la considération, voire le constat, que le législateur n’est pas infaillible. Certaines expériences historiques dramatiques montrent qu’une majorité démocratique peut causer des maux incommensurables aux droits les plus élémentaires.
La suite ici : Un appel contre les arrêts de la Cour constitutionnelle? Une vraie mauvaise idée