« Allez-vous prendre contact avec les organisateurs afin de vous assurer que les festivités ne seront entachées par aucune caricature raciste ou antisémite ? » Il s’agit là de l’une des questions portant sur le carnaval d’Alost que le député Simon Moutquin (Ecolo) comptait poser à la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V), au début du mois dernier. L’emploi du passé est de mise, car il n’y est jamais parvenu. En effet, Ecolo a précipitamment retiré ses questions lorsque l’agitation s’est emparée de l’assemblée et que les verts se sont eux-mêmes rendu compte que l’idée de censure préventive est en contradiction avec le principe de la liberté d’expression.
Voilà l’un des rares « incidents woke » recensés dans notre pays : trois questions parlementaires d’Ecolo qui n’ont même pas été posées. S’il s’était produit quelques semaines plus tôt, nul doute qu’il aurait été repris dans Over woke (« Du wokisme », non traduit), le nouveau pamphlet du président de la N-VA, Bart De Wever. Car il faut bien reconnaître que Simon Moutquin témoigne de cette propension hypersensible, que leurs détracteurs reprochent aux « adeptes du wokisme », à vouloir brider les prises de position susceptibles de choquer. Ce type de wokisme existe donc bel et bien. Quand bien même, quelle importance ?
Le problème est immense, répond Bart De Wever. Le fait d’être « woke » peut se définir, de manière neutre, comme la conscience que certaines catégories sociales sont structurellement défavorisées ou désavantagées, ou comme un état de vigilance face à ces différences de traitement. La définition de Bart De Wever est bien plus négative. Il évoque « une idéologie qui prétend “réveiller” les citoyens face aux griefs de tout un ensemble de groupes victimaires dans la société. En réalité, elle se manifeste par la criminalisation de la civilisation occidentale et la glorification de tout ce qui peut lui porter atteinte. »
Pour appuyer son point de vue, Bart De Wever inscrit le récent mouvement woke dans un cadre plus global d’« autodestruction postmoderne » qu’il affirme observer au quotidien dans la presse et les universités flamandes. Un postmodernisme, selon lui, « quasiment érigé en pensée unique à gauche et donc dans nos médias dits de qualité, dans les sciences humaines au sein de nos universités et dans le discours des personnalités influentes de la sphère culturelle. » Ce prêt-à-penser de gauche a détruit tout ce qui forge notre identité, estime-t-il. Notre histoire a été salie, notre identité sacrifiée sur l’autel du cosmopolitisme, notre enseignement dévoyé, et à présent, les « wokistes » s’en prennent également à notre liberté, au nom du respect des sensibilités des minorités.
Le problème, c’est que ce tableau ne reflète pas la réalité. C’est au contraire le camp conservateur ou de droite qui, depuis quelque temps, est en train de remporter la bataille culturelle, y compris en Flandre. Pour preuve : ce sont les détracteurs du wokisme qui décident de ce qui peut faire débat ou non.
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