Au niveau du fond, la crise de l’azote, qui n’a pas d’équivalent dans le Sud, est celle d’une région où la concentration d’industrie polluante est une des plus importantes d’Europe. C’est aussi une des zones les plus densément peuplées du continent. Or c’est en même temps une région qui reste très marquée par son histoire rurale avec une agriculture elle-même très industrialisée. La crise de l’azote est la crise des limites, des limites d’un modèle de développement qui a été peu mis en cause ces dernières années. Le blocage du CD&V replace au premier plan le conflit entre la Flandre des villes et la Flandre des champs.
Le plan azote est un arbitrage. Puisque les limites sont atteintes, il faut diminuer les émissions. Qui doit le faire ? Entre les industries chimiques du port d’Anvers, l’aéroport de Zaventem ou les élevages intensifs de porcs. Le gouvernement a plutôt décidé de limiter ces derniers. Avec un argument, ils produisent à eux seuls 60% de l’azote émis en Flandre. Essentiellement au profit d’une filière porcine jugée moins stratégique que les autres.
Cette logique réveille une fracture particulièrement marquante dans une région où la révolution industrielle a été plus tardive qu’ailleurs, le clivage entre ville et campagne. Un clivage très important pour le CD&V. La base électorale traditionnelle du parti est certes historiquement majoritairement catholique mais elle est aussi majoritairement rurale. La N-VA et le Vlaams Belang sont venus contester ce leadership. Cette crise de l’Azote est une manière, pense le CD&V, de retrouver du crédit dans cette Flandre périphérique. Vu du ciel, la Flandre n’est plus qu’une grande ville, mais vu du sol, le clivage ville campagne reste un marqueur identitaire. Certains parleront de ruralité fantasmée. Oui mais les fantasmes ça compte en politique.
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