«Ils m’ont forcée à avorter»: depuis le Kazakhstan, les rescapés des camps chinois racontent

Épuisée. Rahima est épuisée, chaque jour, chaque nuit, où ce mal de crâne lancinant ne la quitte pas. Il y a ces douleurs aux genoux aussi, qui la font se plier en deux, et cette colonne vertébrale affaissée, qui ajoute à sa tourmente quotidienne. Rahima n’a pourtant que 35 ans, mais les dix mois passés dans des «camps de rééducation» chinois ont suffi à la briser.

C’est progressivement, sans jamais savoir où elle allait ni ce qui l’attendait, que Rahima Senbai a été happée par la froide machine répressive chinoise.

Pour elle, tout commence en août 2017, avec un appel apparemment anodin de la police locale. Au bout du fil, un officier la somme de se rendre dans sa province natale, au C afin de s’enregistrer auprès des autorités. Cela fait pourtant trois ans que Rahima est partie s’installer au Kazakhstan voisin avec son époux et ses quatre enfants, mais son travail d’interprète auprès de la Banque industrielle et commerciale de Chine l’amène à traverser régulièrement la frontière.

Cette convocation n’est que le prélude d’une longue série d’interrogatoires qui la mèneront jusqu’aux geôles chinoises, sans qu’elle ne soit informée des crimes qui lui sont reprochés. Quand elle se souvient de ce qui lui est arrivé, Rahima égraine les dates les unes après les autres, comme si cette litanie était la dernière chose tangible à laquelle elle pouvait se raccrocher, et qui attesterait de la réalité de son calvaire. Malgré ses problèmes de mémoire, ces repères sont restés ancrés en elle, comme autant de pièces à conviction qu’elle conserve, espérant qu’un jour justice lui sera rendue contre le régime chinois, accusé d’avoir perpétré des crimes contre l’humanité.

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