« L’industrie numérique est un précipité de patriarcat et d’inégalités »

En 2018, l’informaticienne Joy Buolamwini a publié, en collaboration avec la chercheuse Timnit Gebru, un papier de recherche intitulé « Gender Shades ». Elles y expliquent que des biais raciaux et de genre imprègnent également les intelligences artificielles. La problématique ainsi étayée est intersectionnelle par excellence : selon l’étude de Buolamwini et Gebru, les machines fonctionnent mieux pour reconnaître les hommes que les femmes, et les blancs que toutes les personnes avec une peau plus foncée… La machine jouerait quasiment à pile ou face pour identifier le visage d’une femme noire.

Alors que j’écrivais plusieurs articles à ce sujet, je me suis vite rendu compte qu’il couvrait une problématique bien plus vaste. J’ai donc pris la décision de creuser deux axes dans mon livre : d’une part, étudier les usages qu’on développe en ligne avec les outils numériques mis à notre disposition ; et de l’autre, analyser l’industrie numérique en elle-même, laquelle présente les mêmes caractéristiques discriminatoires que le reste de la société. Notons ici que le numérique est l’industrie la plus rentable de ces dernières décennies, celle qui crée le plus de milliardaires aussi… Or elle est aussi un précipité de patriarcat et d’inégalités.

Le numérique s’est construit sur de nombreuses promesses : un accès plus facile au savoir, la possibilité de monter des groupes militants de toutes tailles et de toutes sortes… Mais dans le même temps, nous avons assisté à la montée en puissance de discours masculinistes et à la minimisation de la misogynie. Cette rhétorique spécifique s’est ancrée dans des logiques de discrimination plus larges et mieux connues du grand public. Cela a permis à de véritables spirales de radicalisation de se former, aboutissant parfois à des explosions de violence.

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