La semaine passée, j’ai rencontré un nouveau client. Il portait une veste propre et bien ajustée et m’a apporté une orchidée. Il m’a présenté une série de documents, soigneusement rangés dans des chemises en plastique.
La semaine passée, j’ai aussi revu un autre client, lors d’une réunion. Nous étions trop nombreux pour les chaises prévues. Il a insisté à plusieurs reprises pour me céder sa place ; j’ai fini par me ranger à ses instances et il est resté debout. Au terme de la réunion, il m’a proposé de porter mon sac.
Ces deux clients sont des hommes afghans demandeurs d’asile et je suis leur avocate. Ils dorment tous deux à la rue depuis plus de cinq mois.
J’aurais pu dire d’eux, aussi, qu’ils ont froid, qu’ils ne mangent pas à leur faim, qu’ils souffrent de maladies infectieuses qui peuvent aisément être prévenues par une hygiène correcte, que lorsqu’ils souhaitent prendre une douche, ils doivent marcher un kilomètre et demi jusqu’aux bains de Bruxelles et faire la file pour recevoir un jeton. Que leurs visages sont marqués par le manque de sommeil et l’angoisse. Qu’ils semblent dix ans de plus que leurs âges.
Pourtant, ce qui m’a frappée, ce qui m’a émue aux larmes, ce que je voudrais dire d’eux, c’est cette magnifique dignité qui les habite. Au milieu de la déchéance à laquelle les condamne notre gouvernement, ils tiennent, avant tout, à rester des hommes. A se présenter lavés et habillés de frais à leurs rendez-vous, à se montrer attentifs aux autres. Courtois. Avenants.
En contrepoint de cette attitude, il y a nos politiciens et nos politiciennes. Un bourgmestre qui pousse des cris d’orfraie parce qu’on ose héberger quelques-uns de ces hommes dans un lit en Flandre plutôt que de les laisser dormir à la rue à Bruxelles. Une secrétaire d’Etat qui piétine ses promesses d’offrir un hébergement à tous les résidents de la rue des Palais, qui ont attendu en vain pendant 48 heures dans le froid, lors de l’évacuation du squat, qu’elle les honore. Un gouvernement qui n’a pas pris la moindre mesure, par la suite, pour soulager leur détresse, ne fût-ce qu’en leur distribuant une couverture ou une tasse de café. Et qui ose exposer qu’il relogera en priorité les demandeurs d’asile hébergés à l’hôtel à Ruisbroeck plutôt que ceux qu’il a abandonnés sans un mot d’explication sur le pont devant le Petit Château. L’humanité la plus essentielle ne tient manifestement pas face à la crainte de la N-VA.
La suite ici : Crise de l’accueil: l’incroyable leçon de dignité des laissés-pour-compte du Petit Château