Non-discrimination: des lois trop peu efficaces?

Les études récentes convergent pour montrer que la discrimination à l’encontre de certains groupes – les femmes, les personnes d’origine étrangère, les personnes avec un handicap, les travailleurs et travailleuses de plus de 50 ans notamment – reste très répandue dans la société belge (1). En matière de logement, par exemple, des tests de situation réalisés entre 2015 et 2020 indiquent que les candidats locataires portant un nom à consonance marocaine subissent un taux de discrimination de la part de propriétaires privés de plus de 45 % à Gand, Anvers, Hasselt, Namur ou Charleroi.

À la lecture de ces constats, on peut être saisi d’un sentiment de découragement. La discrimination est pourtant interdite par la loi depuis plus de 40 ans pour ce qui est de celle liée au sexe et à l’origine nationale ou ethnique (depuis 1978 et 1981, respectivement), depuis près de 20 ans pour les autres critères. N’a-t-on pas tout essayé pour éradiquer la discrimination ? Le droit et les institutions sont-ils impuissants pour combattre un tel phénomène ?

En 2016, le gouvernement a mis en place une Commission, composée de chercheurs, d’avocats, de magistrats et de représentants des syndicats, des organisations patronales et des ONG, pour évaluer l’application et l’effectivité de la législation anti-discrimination adoptée en 2007 au niveau fédéral. Son rapport, rendu public en juin 2022, donne des raisons d’espérer. Oui, l’effectivité des lois existantes laisse à désirer, pour des raisons multiples analysées dans ce rapport. Mais non, tout n’a pas été tenté, loin de là, et de nombreuses pistes existent pour renforcer les dispositifs existants.

Trois lois visant à lutter contre la discrimination ont été adoptées le 10 mai 2007 : la première réforme la loi de 1981 sur la discrimination raciale, la deuxième interdit la discrimination liée au genre tandis que la troisième concerne la discrimination fondée sur d’autres critères, dont l’âge, la conviction ou religion, l’orientation sexuelle, le handicap, l’état de santé, la conviction syndicale et la fortune.

Le principal instrument mis en place par ces lois pour combattre les comportements qu’elles interdisent est le recours en justice que la personne qui s’estime victime peut intenter. Or, en pratique, l’accès à la justice des victimes de discrimination est entravé par de nombreux obstacles. Les enquêtes indiquent que seule une très faible minorité des personnes confrontées à une expérience discriminatoire dénoncent cet incident auprès d’une organisation compétente (3). Et celles et ceux qui vont en justice rencontrent de grandes difficultés à obtenir gain de cause. Prouver une discrimination subie reste singulièrement ardu. Car la discrimination ne laisse souvent aucune trace matérielle. Et lorsqu’il existe des documents qui permettraient d’étayer une plainte, ils sont fréquemment aux mains de la personne soupçonnée d’avoir discriminé.

La suite ici : Carta Academica: Non-discrimination: des lois trop peu efficaces? Trois pistes pour réformer le droit antidiscriminatoire