Si l’on se réfère aux sciences exactes, dont la fonction est de permettre d’établir des vérités scientifiques, le doute n’est plus permis, n’en déplaisent aux « marchands de doute » – lobbies industriels en tête – justement fustigés par les historiens des sciences américains Erik Conway et Naomi Oreskes, à laquelle on doit en ce début d’année un article publié dans la revue Science au sujet du déni climatique sur lequel s’est construit le discours officiel de l’entreprise pétrolière ExxonMobil depuis les années 1970.
La recherche a ainsi permis de mettre en évidence l’existence de neuf limites planétaires et d’établir que les activités humaines ont conduit au dépassement d’au moins six d’entre elles (changement climatique, érosion de la biodiversité, perturbation du cycle du phosphore et de l’azote, changements d’utilisation des sols, introduction d’entités nouvelles dans la biosphère et cycle de l’eau douce). D’autres travaux permettent également de conclure à la disparition de nombreuses espèces : c’est la sixième extinction de masse, causée, là encore, par les activités humaines.
Pourtant, si l’on regarde dans le rétroviseur, conscient, comme Alexis de Tocqueville en son temps, que « lorsque le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres », l’ère de la post-croissance n’est peut-être pas pour tout de suite…
Retour en arrière. Nous sommes le 9 février 1972. Sicco Mansholt, alors vice-président de la Commission européenne, adresse un courrier au président de cette Commission, Franco-Maria Malfatti. Il s’agit d’un document d’une dizaine de pages dans lequel le travailliste néerlandais interroge le bien-fondé de l’objectif de croissance économique alors largement admis par les élites européennes. Pour ce faire, il s’appuie sur l’étude réalisée par une équipe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology à la demande du Club de Rome. Les auteurs de The limits to growth, le nom donné à cette étude, concluent en ces termes : « Si les tendances actuelles de croissance de la population mondiale, de l’industrialisation, de la pollution, de la production alimentaire et de l’épuisement des ressources se poursuivent sans changement, des limites seront atteintes au cours des cent prochaines années. Et en découlera vraisemblablement le déclin, rapide et incontrôlable, de la population et de la production industrielle. »
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