Pour y voir clair… reprenons la définition de Clausewitz, le théoricien de la guerre moderne : « la guerre est 1. un acte de violence dont 2. l’objectif est de contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté (…) Pour atteindre cette fin avec certitude 3. nous devons désarmer l’ennemi ». La guerre conduit à monter « aux extrêmes », il s’agit d’avoir un emploi « illimité de la force », mais aussi d’avoir un « calcul des efforts» nécessaires et une « escalade mesurée ». Ces éléments sont-ils remplis ? Pour en avoir le cœur net, examinons les moyens mis en œuvre par les Européens (et plus généralement par les Alliés).
1. La volonté politique. La désignation de l’adversaire est très claire. La Russie, son gouvernement, sont désignés explicitement comme l’initiateur du conflit : « une guerre d’agression non provoquée et injustifiée menée par la Russie contre l’Ukraine », une « invasion » selon la terminologie consacrée. Elle est considérée comme responsable de la plupart des crimes de guerre, sur ordre, voire même d’un génocide. Et ses dirigeants doivent être jugés pour ses faits. D’où l’idée d’un tribunal international ou d’un tribunal spécial pour juger ses dirigeants.
L’objectif de contraindre l’adversaire à exécuter la volonté est aussi clair. Les Européens affirment régulièrement leur volonté d’ « augmenter la pression collective sur la Russie pour qu’elle mette fin à sa guerre et retire ses troupes ». Ils se disent tout aussi régulièrement aux côtés de l’Ukraine : « l’UE soutiendra l’Ukraine et le peuple ukrainien contre [cette] guerre […] aussi longtemps qu’il le faudra ».
Et le but de cette pression est aussi clair : la libération de tout le territoire dans « ses frontières internationalement reconnues ». Autrement dit : tout le Donbass, voire la Crimée. Les Européens rappelant leur « attachement indéfectible à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de [ces] frontières ». NB : les citations, tirées de la déclaration commune lors du sommet UE-Ukraine du 3 février seront reprises ce jeudi (9 février) lors du sommet européen à Bruxelles en présence du président ukrainien V. Zelensky.
2. La pression économique. Elle est très claire, forte et assumée. Avec près de dix paquets de sanctions (dont le dernier devrait être présenté si non approuvé d’ici le 24 février), l’objectif n’est pas juste d’adresser un signal politique. Il s’agit de mettre à bas une partie des ressources économiques et technologiques russes. Il s’agit de miner la capacité militaire de la Russie d’agir en Ukraine, ou au moins de ralentir ses efforts, en coupant tous les flux financiers et économiques européens. Bref de la « désarmer » au sens classique du terme, mais par des moyens « pacifiques », du soft power : l’économie, en lui coupant les vivres.
3. Le soutien militaire massif assumé. Ce soutien passe par une panoplie vaste d’équipements : des munitions aux pièces d’avions de chasse, en passant par les missiles portatifs, les chars, les soutiens d’artillerie, la défense aérienne, ou l’essence, … les Alliés ont de façon graduelle augmenté, et surtout assumé, cette assistance militaire.
La suite ici : [Réflexion] Ukraine. Les Européens sont-ils en guerre contre la Russie ? – B2 Le Blog de l’Europe géopolitique