Les Britanniques ont du talent pour forger des néologismes : après le Brexit, la rupture avec l’Union européenne (UE), consommée il y a trois ans exactement, voici le « Bregret », autrement dit le regret dudit Brexit. Loin d’être une lubie de commentateurs nostalgiques, il s’agit désormais d’une réalité. Une nette majorité des Britanniques – 57 % selon la moyenne des derniers sondages – voteraient aujourd’hui pour entrer à nouveau dans l’Union. Des deux côtés de l’argument, le constat est identique : le Brexit « ne marche pas ». « Une crevaison lente » (« slow puncture »), lit-on dans le Times.
L’ancien premier ministre Boris Johnson a longtemps pu attribuer au Covid-19 les mauvaises performances économiques du pays. Cet enfumage n’est plus possible. Coïncidence lourde de sens : au moment même où le gouvernement de Rishi Sunak célébrait l’anniversaire du Brexit en se félicitant de ce que le pays « trace avec confiance une voie en tant que nation indépendante », le Fonds monétaire international publiait ses prévisions : selon elles, parmi les principales économies du monde, le Royaume-Uni sera en 2023 la seule à être en récession, la seule à ne pas avoir retrouvé sa taille d’avant le Covid-19.
Le diagnostic est désormais clair : en rétablissant des contrôles douaniers, le Brexit a entravé les relations avec l’UE, principal débouché du pays, amputant de 15 % le commerce britannique ; les chaînes d’approvisionnement ont été perturbées et les investissements ralentis. La pénurie de main-d’œuvre a été aggravée par la fin de la libre circulation avec l’UE. L’inflation a été alourdie par la hausse des coûts du crédit consécutive aux désastreuses décisions budgétaires de l’éphémère première ministre Liz Truss. Au point que l’expression d’« homme malade de l’Europe », utilisée pour qualifier le Royaume-Uni avant 1973, année de son adhésion à la Communauté européenne, revient dans le débat public.
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