Il a été baptisé “Monsieur 100 millions”, le montant qu’il aurait fait rentrer dans les caisses du royaume. En réalité, la somme est trois voire quatre fois plus importante. Mais c’est, dit-il, une goutte d’eau par rapport à l’océan de fraudes et de corruptions qui submerge l’Europe et la Belgique en particulier… Le tableau de chasse de l’aimable mais tenace juge d’instruction est impressionnant. L’ancien ministre Serge Kubla, les banques UBS et HSBC, le football belge, Luc Vansteenkiste, l’ancien patron de la Fédération des entreprises de Belgique, Cyril Astruc, “le prince de l’escroquerie du siècle” (une fraude à la taxe carbone) et maintenant une vice-présidente du Parlement européen, des eurodéputés…
Ce dernier trophée, le Qatargate, voit sa notoriété s’étendre à toute l’Europe. “Ce week-end, Mediapart a voulu me rencontrer, hier c’était Le Figaro, demain c’est Radio France. Moi je veux bien, mais je les ai tous prévenus: ils ne sauront rien de mon enquête.” Car le juge Claise ne parle pas de “ses” affaires. Toutes centrées sur de la corruption, de l’argent sale, du blanchiment, de la fraude ou encore des commissions occultes. “Pas un mot. Même de manière indirecte!” Surtout pas au sujet de celle qu’il est en train d’instruire…
La Belgique est régulièrement désignée comme le cancre de la lutte contre la corruption. Cela a-t-il facilité le Qatargate, au sein des institutions européennes bruxelloises, dont nous ne parlerons donc pas?
Michel Claise – Chaque capitale, chaque pays a ses particularités. En Italie, il existe suffisamment d’éléments pour accréditer la thèse selon laquelle une partie importante de l’économie du pays est détenue effectivement par les mafias et cela induit toutes sortes de corruptions. À Marseille, on se tire dessus à la kalachnikov, en Allemagne, la situation n’est pas glorieuse. En Europe, en général, ça ne se passe pas très bien.
Chez nous, nous avons comme spécificité le port d’Anvers et les narcotrafiquants qui génèrent des dizaines de milliards d’euros occultes par an, une mine d’enveloppes d’argent sale prêtes à corrompre. Notez: il n’y a pas que la drogue comme source de corruption du tissu politico-économico-administratif belge. Il y a également, entre autres, la contrefaçon qui rapporte des milliards. Alors, on pourra dire qu’il s’agit d’Anvers.
En réalité, c’est un chenal de corruptions et de blanchiments qui s’étale sur tout le pays et au-delà. Et depuis des années. Maintenant, il y a cet événement écœurant de plus, de trop: la mort de cette gamine de 11 ans. Et tout le monde est surpris? Mais pourquoi être surpris? À partir du moment où l’on n’a rien fait avant… Personne n’ose mettre les mains dans ce chaudron. Mais il faudra que cela cesse. Parce que sinon, les choses vont encore empirer. Ce ne sera pas qu’une gamine qui perdra la vie…