Les événements qui se sont déroulés à Brasilia constituent un épisode spectaculaire, violent, fait pour stupéfier, faire peur… et être vu. Cette « prise » de la place des trois pouvoirs devait frapper les esprits et faire parler d’elle dans le monde entier en quelques minutes. Elle a mobilisé des éléments des franges radicalisées d’extrême-droite du bolsonarisme et s’est voulue une démonstration de force montrant qu’il existerait au Brésil un volcan populaire qui s’oppose à la victoire de Lula à la présidentielle qui a pris ses fonctions ce 1er janvier.
En réalité, cet épisode nous révèle l’existence d’un Brésil fracturé et polarisé entre des options politiques qui non seulement divergent et ne se parlent plus, mais qui sont a fortiori des forces à peu près similaires dans ce qu’elles représentent au sein de la société brésilienne. Elles s’affrontent en permanence, non pas depuis l’élection de Lula, mais depuis maintenant plusieurs années. Ce qui vient de se passer rappelle que l’élection de Lula ne suffit pas à dépasser cette situation. Il y a aujourd’hui une partie du bloc bolsonariste qui assume un positionnement séditieux, factieux et qui assume, d’une part, la rupture avec le cadre de l’État de droit et de la démocratie, et d’autre, la violence comme un moyen politique pour régler des divergences et les différends.
On observe une tendance de fond en Amérique latine. C’est une région où les événements brutaux et les dynamiques radicales s’expriment dans beaucoup d’endroits et dans des formes différentes, que ce soit au Pérou avec la chute du président Pedro Castillo, ou encore en Bolivie. En Amérique latine, les sociétés sont rongées par les crises sociales et économiques très fortes qui font que des pans toujours plus importants des populations – notamment au sein des « classes moyennes » et populaires – ne croient plus en la capacité du politique à résoudre les problèmes auxquels elles sont confrontées et rejettent non seulement les personnels politiques, mais également les institutions et donc in fine l’État lui-même.
C’est ce qui se passe au Brésil. La question sociale est au cœur des dynamiques politiques de crise de la démocratie libérale. Les émeutiers de Brasilia ne se sont pas simplement attaqués à Lula puisque ce dernier n’était même pas présent. Ils se sont attaqués aux institutions de l’État dans son ensemble, c’est-à-dire au pouvoir exécutif, au pouvoir législatif et au pouvoir constitutionnel.
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