Conner Rousseau, le président des socialistes flamands, a de nouveau défrayé la chronique pendant les fêtes de fin d’année avec ses propos sur Molenbeek. Ne se sentant « pas en Belgique » dans la commune bruxelloise, il a fait le bonheur de la droite francophone qui n’a pas manqué de relayer massivement ses propos sur les réseaux sociaux. Énième exercice de marketing politique ? Sans doute. Mais il faut constater que la trajectoire de Vooruit et d’une partie de la gauche flamande ressemble de plus en plus à un phénomène, déjà bien avancé au Danemark.
En effet, devant l’écroulement progressif de ses scores électoraux, Socialdemokratiet « Social-démocratie », le parti social-démocrate danois, a opéré au cours de ces dernières années une forte droitisation sur les questions migratoires et identitaires. Cette évolution a été couronnée récemment, puisque la Première ministre sociale-démocrate Mette Frederiksen a décidé de privilégier une coalition centriste avec la droite et les libéraux plutôt qu’une alliance à gauche. Brisant la logique du bloc contre bloc, elle a préféré la stabilité d’un gouvernement de coalition à un gouvernement social-démocrate minoritaire, soutenu de l’extérieur par les autres formations de gauche et d’extrême gauche comme lors de son précédent mandat.
Officiellement, ce virage est censé couper l’herbe sous le pied de l’extrême droite, en lui contestant le monopole des sujets sur lesquels se sont bâtis ses succès électoraux. On peut toutefois y voir les résultats d’un mouvement plus général, observé partout en Europe : la diffusion d’un imaginaire normalement associé à la droite ou à l’extrême droite dans les partis libéraux ou socialistes. En 2010 déjà, Jacques Rancière notait que la question du racisme était « aujourd’hui […] d’abord une logique étatique et non une passion populaire. Et cette logique d’État est soutenue au premier chef non par on ne sait quels groupes sociaux arriérés, mais par une bonne partie de l’élite intellectuelle1 ». Au-delà des calculs politiques – et des analyses cyniques qui estiment que de toute façon une large majorité d’électeurs et d’électrices sont racistes ou indifférentes au sort des Autres – il y a aussi une volonté, presque un besoin étatique de définir un « indésirable » à combattre ou intégrer.
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