Le concept de désobéissance civile, inventé par Thoreau (1) en 1849, fait aujourd’hui florès, particulièrement lors d’actions contestataires menées en faveur du climat dans de nombreux pays (2). Il s’agit de désobéir publiquement et sans violence à une loi jugée injuste, inappropriée ou inapplicable, au nom de valeurs considérées moralement supérieures, par exemple le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes pour Gandhi ou, plus proche de nous, la préservation de l’environnement. Elle constitue donc une action illégale, c’est-à-dire punissable, menée au nom de l’intérêt général, en vue de replacer l’objet de la contestation au cœur du débat politique.
La désobéissance est dite civile à double titre. D’abord, elle est actionnée par la société civile, généralement entendue comme l’ensemble des associations à caractère non gouvernemental et à but non lucratif (3). À côté du droit de vote, du droit de grève et du droit de manifester, la désobéissance civile constitue un levier alternatif et complémentaire de protestation. C’est une démarche collective et politique. Ensuite, elle renvoie à la notion de civilité, c’est-à-dire à une manière courtoise de se comporter en société. La désobéissance civile est donc une désobéissance respectueuse, elle met un point d’honneur à ne pas porter atteinte à l’intégrité physique ou morale de ses opposants. Elle est fondamentalement non violente.
La désobéissance incivile, un concept nouveau que je choisis de nommer ainsi par contraste, prend aussi de l’ampleur. Il s’agit de la transgression assumée d’une loi non par la société civile mais par l’État, assortie de violence dans son exécution ou ses conséquences. Ces attributs peuvent être illustrés par l’actuelle crise de l’asile en Belgique. Depuis octobre 2021, Fedasil, l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs de protection internationale (4) (DPI), sous la tutelle de la secrétaire d’État à l’Asile et la Migration Nicole de Moor, a été condamnée 7.000 fois pour n’avoir pas respecté la loi du 12 janvier 2007, plus généralement appelée « loi accueil » (5). Cette loi ordonne à Fedasil, donc à l’État, d’assurer à tout DPI un accueil devant lui permettre de mener une vie conforme à la dignité humaine
La suite ici : Carta Academica: La désobéissance incivile ou la délinquance étatique