Des gares vides, des métros rares, des rendez-vous médicaux annulés et des ambulances introuvables. Jamais depuis les années Thatcher le Royaume-Uni n’avait connu une vague de grèves de pareille ampleur, au point que la référence à un nouvel « hiver du mécontentement », expression d’inspiration shakespearienne qui désigne les grèves massives de 1978-1979, est omniprésente. Plus de 1 million de travailleurs britanniques au total doivent cesser le travail, d’ici à la fin de l’année, dans un mouvement de relais commencé le 12 décembre destiné à satisfaire des revendications de salaires, face à une inflation qui s’est élevée en novembre à 10,7 % sur un an.
Aux cheminots, postiers, douaniers, bagagistes s’ajoutent les infirmières du Service national de santé (NHS) – en grève pour la première fois depuis qu’elles sont organisées –, en attendant probablement les médecins débutants et les enseignants en janvier. Le conflit, alimenté par le décrochage accéléré entre prix et salaires, s’inscrit dans un contexte marqué par plus de dix années d’austérité drastique sous les gouvernements conservateurs qui ont grignoté les revenus, en particulier ceux des salariés du secteur public. Au cours de ces deux dernières années seulement, le pouvoir d’achat de ces derniers a baissé de 7,7 %.
Si l’ampleur du mouvement et la fermeté du gouvernement évoquent l’époque de la Dame de fer, le contexte est fort différent. Le gouvernement de Rishi Sunak est dans une situation de grande faiblesse politique, après l’enchaînement de scandales et de crises qui a marqué la fin de l’ère Boris Johnson, le pays souffre d’une considérable pénurie de main-d’œuvre (133 000 postes vacants dont 47 000 d’infirmières dans le seul NHS), l’opinion est plutôt bienveillante à l’égard des grévistes et l’expérience du Covid a popularisé l’intervention de l’Etat.
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