La longue guerre d’Ukraine 

Que signifie la  guerre d’Ukraine pour l’Europe ? À première vue, elle accélère une prise de conscience géopolitique des Européens, qui — Allemagne incluse — augmentent leurs budgets militaires, et parviennent à surmonter leurs différences en votant puis en renouvelant un imposant paquet de sanctions visant la Russie et en adoptant des mesures d’aide à l’Ukraine, principalement dans le domaine humanitaire. Un puissant élan de solidarité semble s’être emparé de l’Europe, où des millions de réfugiés Ukrainiens ont été accueillis avec générosité

Les images de villes ukrainiennes dévastées, les visages d’Ukrainiens fuyant les bombes tendent aux citoyens européens endormis par des décennies de paix un miroir qui les projette soudain dans un monde de guerre et de destruction. Les villes ukrainiennes, les visages ukrainiens ont la familiarité de la vieille Europe, mais le monde de dévastation et de terreur qu’ils expriment n’est pas le monde auquel trois quarts de siècle de paix — exception faite de la guerre de Yougoslavie — avaient habitué les Européens. Ce décalage provoque un choc radical. Ce choc va-t-il accélérer une transformation politique de l’Union européenne, la souder face à un adversaire russe dont la brutalité et le mépris du droit sont aux antipodes des valeurs sur lesquelles l’Europe prétend se construire ? Face à la Russie, une identité politique européenne est-elle en train de naître ? La Russie va- t-elle engendrer ce patriotisme européen que les attaques terroristes n’ont jamais  réussi à produire ?

(…) La guerre d’Ukraine ouvre une nouvelle page dans l’histoire de la stratégie en ce qu’elle est à la fois une guerre totale et une guerre limitée. Totale, elle l’est bien sûr pour les Ukrainiens qui luttent pour la survie de leur nation. Mais elle est limitée pour la Russie comme pour les alliés occidentaux de l’Ukraine.

Des deux côtés, le risque de l’escalade nucléaire incite à la prudence, même si la Russie tente d’utiliser la peur du nucléaire à des fins d’intimidation, dans une posture qui relève plus de la guerre psychologique que des prémisses d’une escalade. La Russie s’est jusqu’à présent gardée de frapper le territoire de membres de l’OTAN ; quant à eux, les États-Unis ne livrent pas à l’Ukraine d’armes susceptibles de frapper la profondeur de la Russie. Cette retenue rappelle les guerres de la Guerre froide, quand Occident et URSS s’affrontaient sur le territoire de pays tiers tout en évitant le risque d’un affrontement direct.

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