Molenbeek, six ans après les attentats de Bruxelles : «Les gens d’ici en ont assez d’être considérés comme des bêtes curieuses»

À en croire le tableau peint par les accusés lors du procès des attentats de Paris, l’ambiance était alors très éloignée de celle d’un repaire d’extrémistes religieux. Les habitués fumaient du cannabis, sifflaient bière sur bière, jouaient aux échecs et parlaient filles et foot. Mais, dans les caves de l’établissement, on descendait pour regarder des vidéos de décapitations et de tueries atroces. Ou pour se radicaliser en écoutant des “anachid”, ces raps djihadistes. “Pas grand-chose n’a changé. Bien sûr, ce n’est plus un café maintenant. À part ça, je ne vois pas. Ou peut-être une chose: il y a moins de caméras de télévision.

L’épicier n’est guère bavard. Ni la vendeuse de À nous le Congo, ni le buraliste de la librairie du coin à 30 mètres. On constatera tout de même que le cœur de ce que le New York Times qualifiait d’“Islamic States of Molenbeek” est bien plus multiculturel et bien moins islamique que prévu. Peu de signes vestimentaires religieux. Et qu’après une certaine heure, l’ancien Café des Béguines s’illumine. À travers des persiennes on peut y voir de jeunes enfants faire consciencieusement leurs devoirs.

Le lieu est devenu en 2018 la Maison des ­Béguines, un collectif qui rassemble plusieurs ­associations dont celle pour laquelle je travaille”, rappelle Assetou Elabo, directrice d’Atouts ­Jeunes, une AMO (Action en milieu ouvert), un lieu d’accueil, d’écoute, d’information, d’orientation, de soutien et d’accompagnement pour les jeunes de 0 à 22 ans et leur famille. Assetou Elabo travaille à Molenbeek depuis 2011. “Fondamentalement, je crois que peu de choses ont évolué. Je dirais tout de même que le communautarisme molenbeekois est moins virulent et que le ­phénomène de ghettoïsation est moins fort. C’est sans doute, en partie, la conséquence de ce qui s’est passé administrativement après les attentats. Il y a eu une reprise en main et un ­contrôle accru du secteur ­associatif. Les personnes, à Molenbeek et dans d’autres communes bruxelloises, ayant des velléités terroristes ou développant d’autres activités illégales le faisaient sous couvert d’ASBL. Le secteur a donc dans un premier temps subi un nettoyage. Ensuite, il y a eu un réinvestissement en termes de finances et de moyens dans le ­secteur pour soutenir des projets tels que celui de la Maison des Béguines. Il ­fallait renforcer la cohésion sociale. Certes, celle-ci a un peu évolué, en bien, mais les publics et les demandes sont globalement toujours les mêmes.” La jeune femme pointe ­également que la société dans son ensemble est devenue plus dure. D’une certaine manière, c’est le niveau des difficultés sociales de l’ensemble qui a rejoint – un peu – celui de Molenbeek.

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