Vous les avez sans doute croisés un jour sans les voir, dans un salon de manucure ou l’arrière-salle d’un restaurant. Ces migrants vietnamiens transitent par nos pays et y sont largement exploités. En 2019, 39 d’entre eux étaient retrouvés morts dans un camion frigo. Ils avaient été découverts près de Londres, dans ce qu’on avait appelé la “tragédie de l’Essex”. L’enquête a établi que le camion avait transité par Zeebruges et que des passeurs étaient actifs en Belgique. Une réalité ancienne mais qui avait pourtant peu retenu l’attention sur ses particularités. Myria, le Centre fédéral Migration, une institution publique indépendante, a analysé en profondeur, dans son dernier rapport, ce phénomène complexe, notamment pour des raisons culturelles.
C’est qu’il existe des rivalités nord-sud au Viêtnam pouvant avoir un impact sur l’audition d’une victime si l’interprète a une origine différente. Et puis, il existe chez les Vietnamiens un fort sentiment de honte et de méfiance. Les migrants se sentent redevables à leur famille qui s’est endettée pour permettre le voyage clandestin. La famille, restée au pays pour continuer à rembourser la dette, est elle-même sous pression du réseau criminel. Si le remboursement des dettes n’est pas possible, les victimes sont enfermées dans des refuges jusqu’au paiement. Pour l’ensemble du trajet entre le Viêtnam et le Royaume-Uni, les prix allaient de 10.000 à 40.000 euros ces dernières années. Après la tragédie de l’Essex, le prix a parfois été augmenté de plusieurs milliers d’euros par les passeurs. De nombreux Vietnamiens passés clandestinement en Europe sont d’ailleurs criblés de dettes.
(…) Les enquêtes alimentant les statistiques officielles ont été beaucoup plus difficiles à mener du fait de la crise sanitaire. En 2021, 313 infractions de traite des êtres humains ont été détectées en Belgique, ce qui représente une légère augmentation par rapport à 2020, mais demeure à un niveau inférieur à celui d’avant la crise du coronavirus. L’exploitation économique (51 %) et l’exploitation sexuelle (47 %) restent les infractions les plus détectées. Les infractions de traite aux fins d’exploitation sexuelle ont été le plus souvent détectées dans les grandes agglomérations comme Bruxelles-Capitale, Anvers, Gand, Liège et Ostende. La plupart des infractions de traite aux fins d’exploitation économique constatées l’ont été à Bruxelles-Capitale, Anvers et Liège.
La suite ici : Les chiffres alarmants de l’exploitation des migrants en Belgique