Le meurtre de Mahsa Amini est l’événement qui a mis le feu aux poudres, mais la poudre s’amoncelait depuis des années, voire des décennies, en Iran. Dés les années 1990, à la suite de la chute du mur de Berlin et de l’effondrment de l’URSS, on voit de grands débats idéologiques au sein de la jeunesse, des intellectuels et d’une gauche islamiste nourrie par le léninisme. Une plus grande ouverture sur le monde commence à être préconisée. En 1998, une révolte estudiantine au nom des droits humains est violemment réprimée. Dès cette époque, on perçoit les prémices d’une rupture idéologique avec le régime. Mais le monde a tardé à s’en rendre compte, il a longtemps eu une lecture erronée de ce qui se passait en Iran.
En 2003 et 2005, on assiste à l’émergence d’organisations pour les droits de l’homme, pour les droits des femmes, contre la lapidation par exemple, ou encore des ONGs kurdes pour les droits de l’homme, etc. Avec l’élection d’Ahmadinejad en 2005 tout cela a été réprimé. Après quatre ans d’intense répression, les iraniens ont saisi l’opportunité offerte par les élections présidentielles de 2009.
Ils se sont rendus en masse aux urnes en espérant que les candidats réformistes pourraient restaurer des espaces de liberté, même restreintes, où la société civile pourrait relever la tête et se réorganiser. Mais le trucage des élections et la répression atroce du mouvement protestataire qu’il a provoqué, ont convaincu les Iraniens que le dialogue avec le régime était vain. Ce constat fut à l’origine de profondes transformations culturelles, qui ont pris forme en même temps que s’amoncelaient, jour après jour, mois après mois et année après année, les mécontentements. Il faut noter deux dates clef dans cette dynamique de rupture : 2017 et 2019.
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