Pressée d’agir contre les sociétés-écrans, après les « Panama Papers » et la succession d’affaires de fraude fiscale révélées par la presse, l’Union européenne (UE) avait opéré en 2018 une avancée considérable en matière de transparence financière. Il s’agissait de permettre aux citoyens de consulter les registres des bénéficiaires effectifs de sociétés dans chacun des vingt-sept Etats membres. Dans un grand mouvement de balancier, la Cour de justice de l’UE vient d’y mettre fin. Mardi 22 novembre, elle a invalidé cette mesure, jugeant qu’elle est contraire au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles, des droits fondamentaux garantis par la Charte de l’UE. Les juges ont également estimé que cette possibilité de consultation des registres était disproportionnée par rapport à l’objectif de lutte contre le blanchiment d’argent, considérant qu’il ne requiert pas la participation du grand public.
Cette interprétation du droit risque d’avoir pour conséquence de replonger l’Europe dans une opacité inquiétante. Le Luxembourg et les Pays-Bas, havres fiscaux pour multinationales, ont aussitôt suspendu l’accès à leurs registres. Certes, ceux-ci continueront d’être accessibles aux autorités chargées de lutte contre le blanchiment d’argent issu de la fraude fiscale, de la corruption ou du crime organisé, ainsi qu’à certains professionnels comme les banquiers ou les notaires. Mais l’histoire récente a prouvé que le contrôle exercé par les citoyens, qui s’érigent en lanceurs d’alerte, par les journalistes, qui investiguent sur des sujets d’intérêt public, et par les organisations non gouvernementales (ONG), qui dénoncent les comportements délictueux, a contribué à mettre au jour de nombreux scandales au cœur de l’UE.
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