Dans son discours du 12 juillet 2021, « Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens », Poutine affirme que Lénine a fabriqué une « bombe à retardement » en créant des Républiques soviétiques égales entre elles.
Au premier congrès des Soviets, le 9 juin 1917, Lénine déclare : « Que la Russie soit une fédération de libres républiques ! […] Que chaque peuple s’émancipe, et en premier lieu toutes les nations avec lesquelles vous faites la révolution en Russie. » Il écrit, toujours en juin 1917, dans la Pravda : « Accédez aux Ukrainiens, et vous ouvrirez la voie à la confiance mutuelle et à une union fraternelle entre deux nations égales. »
Pour Poutine, c’est un déni de l’unicité de la grande nation russe, « un peuple trinitaire composé de Grands Russes, de Petits Russes et de Biélorusses. » Cela aboutit à une Ukraine « nationaliste » aux dépens de la Russie historique : « Une chose est claire : la Russie a en fait été dépouillée. » Une partie des Ukrainiens s’est soudain, en 1991, retrouvée « à l’étranger, coupés de leur Patrie historique. »
Lénine a soutenu l‘indépendance de l’Ukraine, certes, mais à condition qu’elle devienne et reste soviétique. Dès 1920, il déclare coupables de contre-révolution les nations non russes qui veulent se séparer des Soviets. Sous cet aspect, Staline est son digne successeur…
Staline veut unir les nations sous la houlette du Parti, représentant du prolétariat. Il s’oppose aux nationalismes, qui pratiquent un « système » d’excitation des nations l’une contre l’autre, marqué par massacres et pogroms. Le succès d’une telle politique constitue « un obstacle des plus sérieux à l’œuvre de rassemblement des ouvriers de toutes les nationalités composant l’État. » Une autonomie des régions n’est concevable qu’« au sein d’un tout unique, au sein du Parti. » (« La question nationale et la social-démocratie », 1913).
En août 1932, Staline écrit à Lazare Kaganovitch (membre du Politburo) qu’il compte faire de l’Ukraine « une véritable forteresse de l’URSS, une république vraiment exemplaire. Pour cela, nous ne devons pas regarder à la dépense. »
La « dépense » : la grande famine, les épurations des ennemis de la patrie, y compris des membres du NKVD jugés trop laxistes. Avec ces purges se renforce l’idée que « l’ennemi est partout ».
Comme Poutine… qui qualifie ces épisodes d’erreurs d’appréciation sans intention criminelle !
La suite ici : « Vlad, le destructeur. Pourquoi l’Ukraine ne veut pas être russe » – 3 questions à Michel Juffé et Vincent Simon