Depuis dix ans et l’attribution du Mondial à l’émirat, un cortège de chercheurs, d’enquêteurs et d’universitaires défile dans les couloirs des ministères, au comité suprême d’organisation de la Coupe du monde, avec des crochets par les quartiers où sont parqués les travailleurs migrants. Une tâche qui, dans d’autres Etats, incombe à des représentants syndicaux.
Ici, point de débrayages, de blocages ou de préavis de grève. Ces notions n’existent pas. Au Qatar, se syndiquer est interdit. Créer une association relève de la science-fiction. Hors de question de parler à visage découvert des conditions de travail dans le pays. Manifester, n’y pensez même pas. Les derniers travailleurs étrangers qui s’y sont risqués, dans les rues de Doha, fin août, ont hérité d’un aller simple vers leur pays d’origine, sans espoir de retour. Contester le régime de l’intérieur est tout simplement impossible.
Ce sont les observateurs extérieurs qui s’y collent, avec plus ou moins de succès. Michael Page, spécialiste de l’émirat au sein de Human Rights Watch, cinq voyages au compteur, résume la position des autorités : « Le message qu’elles nous martèlent, c’est que pour les excuses, elles ont déjà donné. »
C’est le jeu d’équilibriste auquel se livre ce pays surexposé médiatiquement depuis qu’il a décroché en 2010 l’organisation de la Coupe du monde 2022 : vendre une image lisse de pavillon-témoin du pays arabe du XXIe siècle tout en s’appuyant sur un système social comparable à celui de l’Arabie saoudite et des autres régimes autoritaires de la région, où la moindre tête qui dépasse est expulsée, dans le meilleur des cas.
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