Depuis plusieurs années, la N-VA rêve d’inclure un nouveau canon de l’histoire de la Flandre dans les manuels scolaires des petits Flamands. Une priorité pour Bart de Wever, inscrite dans l’accord de gouvernement. Prévu pour la rentrée 2022, le projet a pris un fameux retard avec le Covid, mais en coulisses, les travaux préparatoires se poursuivent. La glorification du passé, évidemment éminemment politique, joue sur une corde sensible que beaucoup de partis à droite s’amusent à titiller actuellement. Ce qui ne plait pas beaucoup aux spécialistes de l’histoire.
La semaine dernière, trois d’entre eux ont réinstallé le sujet dans l’actualité. Le quotidien De Standaard a en effet mis en évidence un rapport écrit par les historiens Jo Tollebeek et Karel Van Nieuwenhuyse de la KU Leuven, et Marc Boone de l’Université de Gand. Sur une soixantaine de pages, ils disent tout le mal qu’ils pensent de cette idée de canon flamand imposé aux élèves, mais aussi aux personnes migrantes qui arrivent sur le sol flamand, via les cours d’intégration.
Un instrument tout droit sorti de la boîte à outils du psychiatre”, et “une thérapie de la libération permettant de devenir un Flamand décomplexé”, comme le perçoivent les auteurs. Pour eux, le “Vlaamse canon” entrainera un appauvrissement de la diversité à la fois historique et sociale. Plus grave, et plus cash, ils estiment que l’initiative est un moyen détourné de saper l’identification à la Belgique. “Cela permettrait de préserver la Flandre de toute forme de cosmopolitisme.” En gros, comme ils l’écrivent, il s’agit de “flamandiser encore plus le Flamand”, mais aussi donc, les primo-arrivants.
Le fameux canon flamand doit contenir ce qui semble digne d’être représentatif de l’histoire flamande. Jusqu’ici, difficile de bien identifier ce qui en sera. Mais c’est là aussi un problème soulevé dès la genèse du projet par nombre d’académiciens: le commanditaire. C’est bien le gouvernement flamand qui en est à l’origine, le parti de Bart de Wever en tête. Pour les autres partis de la majorité, Open VLD et CD&V, l’enjeu n’était pas énorme. Ils ont laissé avancer la N-VA, préférant se concentrer sur d’autres questions, plutôt socio-économiques, lors des discussions gouvernementales. Comment s’assurer que l’histoire flamande ne sera romancée à la sauce nationaliste? Plusieurs historiens flamands ont indiqué que le courant suivi par le gouvernement en exercice aurait un impact évident sur le contenu du canon.
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