Face à la dégradation critique de la situation environnementale, dont nous connaissons les symptômes — dérèglement climatique, effondrement de la biodiversité, pollution des terres et mers — mais aussi les causes — émission de gaz à effets de serre, surexploitation et surconsommation, destruction des habitats — la question qui se pose à nous est assez simple : sommes-nous capables de répondre à la crise avec les outils déjà disponibles, ou serons-nous incapables d’agir ?
Le défaitisme fataliste d’une part, le technosolutionnisme parfois teinté de messianisme d’autre part, sont deux narratifs opposés et pourtant alliés objectifs incitant à l’inaction. Géo-ingénierie, pièges à carbone, émergence de l’intelligence artificielle… L’innovation technologique, voire la révolution technologique, pourra-t-elle éviter la marche vers l’abîme ? Quelle place devons-nous lui faire dans nos plans de sortie de crise ? Le célèbre mathématicien Cédric Villani se confronte à ces questions
C’est un célèbre aphorisme d’Henri Poincaré, avec son sens de la formule tranchante : « Douter de tout, ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. » Je me risquerai à le paraphraser en une formule qui pourrait résumer cette tribune : « Croire que tout est perdu, ou croire que la technologie va nous sauver, ce sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent d’agir. »
De fait, le fatalisme et le technosolutionnisme recouvrent une bonne partie des discours qui retardent l’action climatique. Sous divers avatars, bien sûr. Le fatalisme c’est tout autant « On ne s’en sortira pas sans dictature verte » que « Nos mesures trop petites et trop tardives resteront impuissantes face à l’ampleur du désastre irrésistible. » Le technosolutionnisme, c’est « l’humanité dans les ressources infinies de son imagination trouvera une solution comme elle l’a toujours fait dans le passé », c’est aussi « il suffit de mettre le paquet sur la recherche des remèdes », ou encore la variante « on peut optimiser l’usage des combustibles actuels ». Mais, surtout, ce sont deux grandes figures rhétoriques où sont venues se réfugier les puissantes forces adverses au changement, aussi bien celles de nos inconscients collectifs, que celles, très conscientes, des intérêts constitués et lobbies.
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