Vous avez pris vos fonctions en tant que secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration en plein cœur d’une énième « crise » de l’accueil. Nous mettons volontairement ce mot entre guillemets, tant il est vrai qu’il ne s’agit pas d’une manifestation soudaine et violente, mais bien d’un problème structurel, organisé et entretenu comme tel par l’Etat belge et pour lequel il a déjà maintes fois été condamné. De mémoire d’avocat·es, les « crises » se succèdent (2011, 2015) et se ressemblent.
La présente « crise » de l’accueil se distingue cependant des précédentes par l’incroyable mépris affiché par l’Etat belge, dont vous êtes la représentante de par vos fonctions, pour les décisions de justice vous condamnant à héberger des personnes sinon contraintes de dormir à la rue. Depuis des mois, le tribunal du travail a rendu près de 7.000 décisions ordonnant le respect urgent de la « loi accueil », qui exige que toute personne ayant introduit une demande d’asile soit immédiatement hébergée. Ces décisions étaient toutes assorties d’astreintes de plusieurs centaines d’euros par jour en cas de non-exécution immédiate.
Pourtant, aujourd’hui, il faut en moyenne près de quatre mois entre le moment où une condamnation de Fedasil à héberger une personne est obtenue et signifiée en extrême urgence et l’hébergement effectif de cette personne. Quatre mois durant lesquels ces personnes sont contraintes de se loger de manière précaire, tantôt chez une vague connaissance, tantôt à la rue sur un carton ou dans un recoin d’une station de métro. Quatre mois durant lesquels ces personnes nous supplient, nous, leurs avocat·es, de « faire quelque chose » et durant lesquels nous sommes contraint·es de leur expliquer que nous avons gagné, que le tribunal nous a donné raison, mais que cela ne change absolument rien à leur situation concrète. Quatre mois durant lesquels nous, comme citoyen·nes, sommes confronté·es tous les jours à la déshumanisation de ces personnes, sous nos yeux, dans les rues de Bruxelles. Une réalité à laquelle vous n’êtes pas confrontée au quotidien.
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