Ironie du sort : c’est précisément dans le vieux Schaerbeek, où la difficulté à concilier la densité de la population et l’intensité du trafic a récemment provoqué de tragiques accidents, que l’opposition aux nouveaux plans de mobilité de la Région de Bruxelles-Capitale atteint son paroxysme. Bornes arrachées par des riverains, échauffourées : le conseil communal, épouvanté, a finalement décidé de reporter (au minimum) la mise en œuvre d’une partie de ses réformes. Au grand dam de leurs partisans, qui bataillaient depuis des années pour rendre le quartier plus sûr et plus agréable à vivre. Le projet aura donc capoté juste avant de se concrétiser.
Voilà déjà quelque temps que la révolte couvre dans différentes parties de Bruxelles. Et elle a déjà fait des victimes. En septembre, alors qu’il se déplaçait à vélo, le député bruxellois Juan Benjumea (Groen) a percuté un bloc de béton que des opposants au plan de mobilité avaient déplacé sur la piste cyclable. Fait remarquable, les communes cèdent, l’une après l’autre, face à la grogne de la rue. À Molenbeek, Anderlecht, Jette, Forest et désormais Schaerbeek, l’administration passe ses projets au rabot quand elle ne les remet pas carrément à plus tard. Des reculades qui provoquent l’effritement progressif de composantes essentielles du plan régional de mobilité Good Move, tellement ambitieux qu’il s’est vu couronner d’un prix européen.
A Bruxelles les lignes de fracture sont complexes. La droite libérale, avec le MR en porte-drapeau, attise les contestations. Le parti était d’ailleurs monté au créneau lors des dernières grandes réformes, telles que l’instauration du piétonnier dans le centre-ville ou la limitation de la circulation dans le très chic bois de la Cambre. Mais les libéraux sont loin d’être les seuls à s’opposer au plan Good Move. Le PTB-PVDA, parti de gauche radicale, se positionne également contre le projet. Lors de la manifestation qui a dégénéré dans le quartier de la Cage aux Ours, à Schaerbeek, les responsables du MR et du PTB étaient presque littéralement côte à côte, bien étonnés de se retrouver ensemble.
(…) Mais l’enjeu va bien au-delà de la politique politicienne. Sans tomber dans la généralisation, on peut dire que, très schématiquement, deux groupes de population s’opposent. D’un côté, des citadins sensibles à la cause écologiste, engagés et souvent très diplômés (on trouve dans leurs rangs un nombre relativement important de néerlandophones qui aiment Bruxelles) ; de l’autre, des riverains moins qualifiés qui tiennent à la voiture (parmi lesquels un nombre relativement important de Bruxellois issus de l’immigration). Ces derniers deviennent les alliés objectifs de tous ceux qui s’opposent une évolution de l’automobilité.
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