Elon. Musk. L’individu, réputé génial et fantasque, clive, provoque, hystérise. Chacun de ses tweets est commenté, décortiqué, mis à la une de l’agenda médiatique. Il est une star jouissant, en plus de son pouvoir financier considérable, d’un soft power personnel puissant. Mais adulé ou détesté, il n’en reste pas moins le symbole, impossible à ignorer, des reconfigurations de pouvoir structurelles. Pour comprendre la rationalité du système Musk, il est nécessaire d’en déconstruire les grands principes, aisément perceptibles entre les lignes de ses tweets. Ce papier propose quelques pistes de réflexion sur le fond de sa doctrine.
(…) Dans le fond, Elon Musk est un anarchiste de droite dans son expression la plus chimiquement pure. S’il fallait trouver une image pour résumer le personnage, on pourrait penser à une version plus joviale du Joker de Batman. Joker Musk joue avec les autorités, les défie, les déstabilise, s’en moque ouvertement. Ses obligations vis-à-vis du gendarme de Wall Street, par exemple, n’ont jamais été respectées. Musk, à l’évidence, teste la résistance du système et s’en amuse. Il porte une vision articulée du monde mais surtout du rôle des institutions qu’il méprise. Bien plus que n’importe quel autre patron de la Silicon Valley, il symbolise l’avènement de ces nouvelles formes de pouvoir entre BigTech et États, en somme une nouvelle clé de répartition des pouvoirs entre ces deux mondes. Le système Musk s’articule autour du triptyque des 3T : Trolling économique, Technologie totale, Techno-politique. Musk-3T.
Sur le plan économique, Musk réinvente avec brio ce qu’avait initié Donald Trump sur Twitter quelques années plus Musk nous fait entrer dans l’ère de la « post-truth economics » à travers l’invention d’une capacité de nuisance inédite sur le plan économique. L’illustration la plus marquante de ce phénomène est le psychodrame qui a accompagné toute la séquence du rachat chaotique de Twitter durant le printemps 2022. L’annonce unilatérale de la suspension du rachat — Musk expliquant ne pas être d’accord avec le décompte du nombre de faux comptes fourni par la plateforme — lui permet d’entamer officiellement un bras de fer et une guerre psychologique avec le conseil d’administration de Twitter, coup de poker menteur dont personne n’a pu connaître les motivations réelles.
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