« La sobriété implique que les gens vivent dignement de leur travail »

Les chercheurs font généralement la distinction entre sobriété et efficacité. La sobriété correspond à la réduction de notre consommation matérielle, en lien avec des changements de comportement. L’efficacité passe plutôt par une réduction de notre consommation de ressources, mais avec le même niveau de confort et de service à la clé.

Cela étant dit, la sobriété telle qu’elle s’est imposée dans le débat public renvoie à une définition assez large, qui regroupe à la fois les changements de comportement, l’efficacité et l’apport des nouvelles technologies. J’ai donc adopté celle-ci pour le livre. En clair, la sobriété telle que je la définis consiste à réduire notre consommation de matière et d’énergie, donc de ressources. Comme le rappelle le dernier rapport du GIEC, cette volonté de sobriété doit tenir compte de la contrainte des limites planétaires, « tout en offrant à chacun une vie décente ».

« Nous vivons actuellement au-dessus de nos moyens », répétez-vous à plusieurs reprises dans le livre. C’est-à-dire ?

J’ai voulu jouer sur l’ambiguïté de cette expression, que l’on peut entendre aussi bien dans la bouche des libéraux que dans celle des écologistes. Elle comporte finalement trois dimensions. D’abord la dimension écologique, puisque notre mode de vie est actuellement supérieur à ce que l’on peut théoriquement se permettre – nous consommons trop de ressources, nous émettons trop de CO2, etc. Ensuite, il y a la question des déficits :  en France, nous sommes en déficit public depuis près d’un demi-siècle, et depuis plus de 20 ans en déficit commercial, ce que l’on peut imputer au fait que nous consommons trop de biens matériels importés. Enfin, il faut rappeler que dans la dernière décennie, l’un des objectifs prioritaires des politiques publiques a été de réduire les dépenses, ce qui s’est surtout fait sur le dos des dépenses de fonctionnement de la collectivité : éducation, hôpitaux, recherche… Avec tous les problèmes de long terme que l’on peut constater, notamment depuis la pandémie.

D’où l’importance de distinguer sobriété et austérité…

Exactement. Sobriété signifie baisse de la consommation matérielle, mais certainement pas baisse de financement des services publics, au contraire. Il faut moins de dépenses consacrées à la consommation matérielle, mais plus de dépenses d’avenir, notamment dans les services publics. L’idée serait simplement de consacrer quelques points de PIB en moins à notre consommation matérielle – notamment notre consommation matérielle importée, le déficit commercial de la France s’élevant en 2021 à plus de 3 points de PIB – pour réinvestir cette somme dans des dépenses beaucoup plus utiles, notamment dans l’éducation, la santé et les services essentiels.

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