Miroir des colères et angoisses d’une partie du peuple italien, l’arrivée au pouvoir de « post » fascistes est historique. L’évènement est de nature à provoquer une onde de choc, car l’Italie est à la fois le berceau du fascisme et le laboratoire de notre modernité politique. Du reste, ces élections législatives italiennes s’inscrivent dans un mouvement global qu’elles viennent consacrer. Les démocraties occidentales sont traversées par une vague illibérale, autoritaire et réactionnaire.
Le trumpisme ou « pré-fascisme » s’est enraciné aux Etats-Unis, tandis que l’Europe est saisie par la montée en puissance de partis nationalistes et identitaires. Si d’autres démocraties dans le monde (de l’Inde à Israël) connaissent une dérive de même nature, une telle régression revêt une signification particulière pour des Européens tentés de renouer avec le pire de l’histoire du Vieux continent.
Au-delà de leur diversité, les forces européennes de l’ultra droite tiennent un discours « antisystème », alors qu’ils se situent désormais au cœur de systèmes démocratiques en crise. Elles sont au pouvoir en Hongrie, en Pologne, en Suède, et désormais en Italie. Elles sont en embuscade en Croatie, en Bulgarie. Elles se sont pleinement intégrées au système politique et institutionnel en Allemagne, Autriche et en France.
(…) Dans une perspective plus large, les réactions suscitées par la globalisation trahissent un profond désenchantement. A défaut d’apporter des solutions viables à ces passions tristes, les forces d’extrême droite les cultivent pour mieux nourrir leur dynamique d’accession au pouvoir. Il convient ici de souligner leurs victoires dans la bataille des idées, comme l’attestent la banalisation de leurs thèses autoritaires, liberticides et xénophobes, et la fin d’une forme de « tabou politique » avec l’ouverture des partis de la droite de gouvernement (conservatrice et/ou libérale) à l’hypothèse d’une coalition avec des partis radicaux au niveau national (en Suède comme en Italie) et au niveau local (comme en Espagne, dans la région de Castille-et-León). La diffusion des idées de l’extrême droite irrigue, au-delà même des droites, les partis de toute couleur politique. Le cas de l’actuel gouvernement danois est typique : les sociodémocrates au pouvoir développent la politique d’asile la plus drastique d’Europe…
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