C’est la grande question. Actuellement, les journaux modérés iraniens n’arrêtent pas de la poser aux sociologues. Il faut être prudent quand on aborde ce sujet, car seul le terrain permet d’y répondre. Géographiquement, ces manifestations concernent tout l’Iran. Les grandes villes comme la campagne sont touchées : de Machhad à Qom en passant par le Kurdistan et le Baloutchistan. C’est également la première fois depuis la Révolution de 1979 que les femmes ont un tel rôle, presque de leader, dans ces protestations. De plus, on assiste à une participation massive des jeunes qui, pour bon nombre d’Iraniens, surgissent sur la scène politique à l’occasion de ces évènements. Ils sont nés avec les réseaux sociaux, sont bien plus radicaux que les générations précédentes dans leurs demandes et n’ont manifestement pas peur quand on voit la façon dont ils réagissent face aux forces de l’ordre. Un autre élément intéressant, et qui constitue la force et la faiblesse de ce mouvement, c’est l’absence de leader.
Le mouvement ne s’est pas encore diffusé dans des catégories sociales telles que les ouvriers ; si ces derniers semblent donner leur approbation, ils n’ont pas décrété de grève. Ce qui est également à noter, c’est que l’on a vu des manifestations au Kurdistan et au Baloutchistan qui historiquement ont des revendications plus larges, notamment ethniques, mais qui ne sont pas mises en avant. Ce sont des manifestations nationalistes qui se veulent représentatives de la grande diversité de la société iranienne.
L’erreur serait de penser que ces revendications sont portées uniquement par une certaine jeunesse aisée et occidentalisée de la société iranienne. La demande porte sur le voile, mais elle s’inscrit dans un contexte de modernisation des mentalités iraniennes qui met de plus en plus en avant l’individu et non le groupe. Cette opposition au sujet du voile correspond à une demande plus large de libertés individuelles et d’État de droit.
Quelle est la place des femmes dans la société iranienne depuis la Révolution islamique de 1979 ?
L’une des contradictions majeures de l’Iran contemporain est qu’il y a eu une modernisation des mentalités qui a eu pour moteur l’élévation du niveau moyen d’éducation, notamment des femmes puisqu’on trouve plus de 40% de femmes dans les universités iraniennes et 60% en médecine. Mais le taux de participation des femmes sur le marché du travail (par rapport au pourcentage des femmes en âge de travailler) n’est que de près de 14 % Les femmes sont certes de mieux en mieux éduquées, mais elles n’ont toujours pas la place qu’elles méritent dans l’économie, dans le système politique et au sein de la société en règle générale.
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