Manifestations en Iran : « Nous sommes face à une situation avec un énorme potentiel révolutionnaire »

Essorés par des années de sanctions économiques, les Iraniens et Iraniennes vont-ils déclencher une révolution ? Pour mieux comprendre le mouvement qui secoue l’Iran, franceinfo s’est entretenu avec Chowra Makaremi, chercheuse en anthropologie à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux du CNRS et spécialiste de l’Iran.

L’Iran a déjà été secoué par des manifestations d’ampleur, notamment en 2019 contre la vie chère. En quoi ce mouvement est-il différent ?

Chowra Makaremi : La première dimension qu’il faut relever, c’est la radicalité du mouvement. On le voit par ce slogan qui est repris unanimement : « A bas la dictature. » On s’en prend vraiment à la personne du guide suprême, qui personnalise le régime. Il n’y a pas vraiment de revendications précises. Il n’y a pas une demande de droit spécifique, le seul message est : « On ne veut plus de ce pouvoir. » Les choses n’étaient pas dites de façon aussi claire et massive auparavant. Ce slogan est quelque chose d’extrêmement subversif, qui n’était pas du tout repris et scandé en foule dans les précédents mouvements.

La deuxième chose à souligner, c’est que par rapport aux insurrections de 2019, il y a une beaucoup plus grande diversité sociale et sociologique des personnes qui sont dans la rue. Parmi les manifestants, il y a à la fois des gens des quartiers nord de Téhéran, des classes moyennes, mais aussi des quartiers populaires et d’espaces géographiques très subalternes, comme le Baloutchistan qui s’est embrasé après le viol d’une jeune manifestante par un policier. Les insurrections de 2019 étaient plutôt cantonnées aux classes populaires et n’étaient pas très bien comprises par le reste de la population et par la diaspora.

Qu’est-ce que ce mouvement dit de la jeunesse iranienne ?

Cela dit plusieurs choses de son état et de son rapport au pouvoir. De toute évidence, cette génération Z n’a pas été socialisée dans la même peur du pouvoir que les précédentes. Cette génération n’a aucune mémoire traumatique de la guerre. Elle a grandi dans un autre monde où la paix et la relative « prospérité » de l’après-guerre étaient garanties. Elle a eu une enfance différente, avec une sociabilisation différente, elle a une peur différente du pouvoir. Résultat, elle est habituée à la subversion. L’éducation idéologique, qui est un des fondements de l’éducation nationale en Iran, n’a pas eu de prise sur elle.

La suite ici : GRAND ENTRETIEN. Manifestations en Iran : « Nous sommes face à une situation avec un énorme potentiel révolutionnaire »