Le monde fut sous le choc le 28 octobre 2018 lorsqu’il apprit l’élection de Jair Bolsonaro comme président du Brésil. Car enfin voilà un candidat, devenu président, qui n’avait pas arrêté de clamer sa nostalgie de la dictature militaire, qui exprimait ouvertement son mépris pour les femmes, sa haine pour les personnes LGBT, et qui traitait de communistes tous ceux qui n’adhéraient pas à ses idées d’extrême droite. Sa violence et sa vulgarité étaient hors du commun, faisant presque passer Trump pour un gentil garçon. Bolsonaro n’avait pas hésité à déclarer que la dictature militaire avait commis l’erreur de ne pas tuer 30.000 opposants de plus. Il avait dit à une collègue députée, Maria do Rosario, qu’elle était trop moche pour valoir la peine d’être violée. Et s’il avait eu un fils homosexuel, il aurait souhaité qu’il meure dans un accident de voiture.
On pourra dire que Bolsonaro ne doit son élection qu’au fait que l’ancien président Lula, qui le devançait de 20 points dans les sondages à l’été 2018, fut emprisonné par le juge Sergio Moro le temps de l’élection, sur base de son « intime conviction » que Lula s’était rendu coupable de corruption. Moro fut récompensé par Bolsonaro, qui le nomma Ministre de la Justice, tandis que Lula sera libéré par la Cour Suprême, qui déclarera sa détention illégale. Mais la mise à l’écart de Lula, le temps de l’élection, n’explique pas tout : Bolsonaro a tout de même été élu par une majorité de Brésiliens. C’est ce qui inquiète les démocrates de ce pays.
Au cours des 100 dernières années, le Brésil n’a connu que peu de régimes démocratiques, le régime actuel ayant été mis en place en 1990, après 21 ans de dictature militaire. Et cette démocratie est fragile, car il manque à ce pays une presse indépendante. La presse est aux mains d’une oligarchie financière, industrielle et de l’agrobusiness, qui mène depuis de longues années campagne contre la gauche et les réformes introduites par le Parti des Travailleurs (PT) de l’ex-président Lula, considéré comme l’ennemi absolu.
La suite ici : Carta Academica sur les élections au Brésil: changement de cap, ou prélude à un coup d’État?